A./ Les régimes de passation

1) L’émergence d’un principe de publicité et de mise en concurrence

CE, Sect., 12 octobre 1984, Chambre syndicale des agents d’assurance des Hautes-Pyrénées, RFDA 1985, n° 1, p. 13, concl. Dandelot

« … aucun principe général du droit n’oblige les collectivités publiques à recourir au préalable à la concurrence lors de la passation de leurs contrats d’assurance »

CE, avis, 29 juill. 2002, Sté MAJ Blanchisseries de Pantin, n° 246921 ; BJCP 2002, p. 427, concl. Piveteau

Conseil constitutionnel, décision 2003-473 DC, 26 juin 2003, Loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit , cons. 10 et 24

« 10. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions d’une loi d’habilitation ne sauraient avoir ni pour objet ni pour effet de dispenser le Gouvernement, dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont conférés en application de l’article 38 de la Constitution, de respecter les règles et principes de valeur constitutionnelle, ainsi que les normes internationales et européennes applicables ; qu’en particulier, les dispositions relatives à la commande publique devront respecter les principes qui découlent des articles 6 et 14 de la Déclaration de 1789 et qui sont rappelés par l’article 1er du nouveau code des marchés publics, aux termes duquel : « Les marchés publics respectent les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. – L’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics sont assurées par la définition préalable des besoins, le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence ainsi que par le choix de l’offre économiquement la plus avantageuse » ; »

2) La diversité des régimes de publicité et de mise en concurrence

B./ Le régime d’exécution

Le code de la commande publique propose désormais, en son article L. 6 alinéa 2, une liste des grands principes applicables aux contrats de la commande publique qui représentent, en nombre et surtout en valeur, une grande part des contrats administratifs.

La rédaction de ces articles préliminaires, qui rappellent la volonté d’ériger des principes communs au frontispice du code civil, laisse globalement à désirer. Le choix de l’ordre de ces règles et principes n’est pas évident. L’utilité de cette synthèse des règles et principes posés par le juge administratif n’est pas évidente non plus.

Aux termes de cet article :

S’ils sont conclus par des personnes morales de droit public, les contrats relevant du présent code sont des contrats administratifs, sous réserve de ceux mentionnés au livre V de la deuxième partie et au livre II de la troisième partie. Les contrats mentionnés dans ces livres, conclus par des personnes morales de droit public, peuvent être des contrats administratifs en raison de leur objet ou de leurs clauses.
A ce titre :
1° L’autorité contractante exerce un pouvoir de contrôle sur l’exécution du contrat, selon les modalités fixées par le présent code, des dispositions particulières ou le contrat ;
2° Les contrats qui ont pour objet l’exécution d’un service public respectent le principe de continuité du service public ;
3° Lorsque survient un évènement extérieur aux parties, imprévisible et bouleversant temporairement l’équilibre du contrat, le cocontractant, qui en poursuit l’exécution, a droit à une indemnité ;
4° L’autorité contractante peut modifier unilatéralement le contrat dans les conditions prévues par le présent code, sans en bouleverser l’équilibre. Le cocontractant a droit à une indemnisation, sous réserve des stipulations du contrat ;
5° L’autorité contractante peut résilier unilatéralement le contrat dans les conditions prévues par le présent code. Lorsque la résiliation intervient pour un motif d’intérêt général, le cocontractant a droit à une indemnisation, sous réserve des stipulations du contrat.

1) Le déséquilibre des relations contractuelles

a) Le pouvoir de direction et de contrôle

b)  La mutabilité (modification unilatérale)

Le pouvoir de modifier unilatéralement le contrat administratif est le plus notable des éléments du régime spécifique des contrats administratifs. Il remet en cause l’essence même de l’accord contractuel, le principe « pacta sunt servanda ». Il a été posé en deux temps par le Conseil d’Etat, de manière un peu détournée par un premier arrêt de principe « Deville-lès-Rouen », de manière plus directe par l’arrêt Compagnie générale française des tramways de 1910.

CE 10 janvier 1902, Compagnie nouvelle du gaz de Deville-lès-Rouen, p. 5

CE 11 mars 1910, Compagnie générale française des tramways*, p. 216

c) Le pouvoir de résiliation pour raison d’intérêt général

CE Ass. 2 mai 1958, Distillerie de Magnac-Laval , p. 246

CE Sect. 21 mars 2011, Commune de Béziers (Béziers II) *

Notons que ce pouvoir de résiliation pour raison d’intérêt général ne peut pas être abandonné par la partie publique au contrat. L’arrêt Eurolat de 1985, qui pose par ailleurs des principes importants en droit de la domanialité publique, illustre l’illégalité d’une clause par laquelle une personne publique s’engage à ne pas user de son pouvoir de résiliation unilatérale :

CE, 6 mai 1985, Eurolat, n° 41589 41699, rec. : 

« Cons. qu’il ressort des clauses des conventions ainsi intervenues, d’une part que l’Association Eurolat se voyait conférer un droit réel sur un terrain appartenant à une collectivité publique, affecté à un service public, et destiné par les parties à être aménagé à cet effet, et d’autre part que ladite Association était autorisée à céder librement son  » droit au bail  » à toute personne de son choix, que le syndicat s’engageait par avance à agréer et qui lui succèderait de ce fait dans la gestion du service, sans autre formalité qu’une con- sultation préalable du syndicat ; qu’enfin, l’une de ces clauses interdisait la résiliation du bail avant le remboursement complet du prêt accordé par le Crédit foncier de France, sauf accord de cet établissement bancaire, auquel devait être consentie par l’Association une hypothèque sur les immeubles qu’elle devait construire, et alors même que ledit établissement aurait refusé de se substituer pour la gestion du service à l’exploitant défaillant ; que ces clauses, incompatibles avec les principes de la domanialité publique comme avec les nécessités du fonctionnement d’un service public, doivent être regardées comme nulles ; qu’elles ont eu un caractère déterminant dans la conclusion des conventions et sont indivisibles des autres dispositions de ces conventions ; qu’elles ont donc pour effet d’entacher de nullité l’ensemble desdites conventions ; »

d) Le pouvoir de sanction

CE 31 mai 1907, Deplanque p. 513, concl. Romieu

NB : la résiliation est alors une sanction, on parle de « résiliation sanction » ou de « déchéance ».

2) L’équilibre des relations financières

a) Le principe de l’équation financière

CE 11 mars 1910, Compagnie générale française des tramways*, p. 216

b) Le principe d’indemnisation

Damnum emergens

Lucrum Cessans

CE 2005, 18 novembre Société fermière de Campoloro, p. 515

c) L’imprévision

CE 30 mars 1916, Compagnie générale d’éclairage de Bordeaux*, p. 125

Evénements imprévisibles, extérieurs aux parties, bouleversant l’économie du contrat.

Le bouleversement doit être temporaire : s’il est définitif l’on verse dans la théorie de la force majeure.

Conseil d’Etat, 22 février 1980, n° 11939, SA des Sablières modernes d’Aressy : N’ayant pour objet que d’assurer la continuité du service public, la théorie de l’imprévision ne peut en tout état de cause être invoquée pour obtenir une indemnité sur la base d’un contrat résilié.

CE 9 décembre 1932, Compagnie des tramways de Cherbourg, p. 1050 : L’imprévision donne droit à une indemnité couvrant la majeure partie du déséquilibre temporaire.