- I. Le droit constitutionnel
- A. Le droit
- B. La constitution
- 1) Contenu de la distinction constitution formelle / constitution matérielle
- 2) Limites de la distinction
- b) La coutume constitutionnelle
- II. Le droit constitutionnel en France
- Distinction droits et libertés
- Libertés publiques et libertés individuelles et liberté individuelle
- Droits fondamentaux et libertés fondamentales
- Droits fondamentaux et droits de l’hommes
I. Le droit constitutionnel
Aborder le droit constitutionnel consiste à étudier le droit, dont l’objet est la constitution.
Vous suivez ici votre première leçon universitaire. Nous aurons donc le privilège d’aborder, même de manière sommaire, la notion de droit (I) avant d’examiner celle de constitution (II).
A. Le droit
Introduire au droit n’est pas l’objet principal de ce cours. Il existe, dans les études universitaires françaises, des cours d’introduction au droit. Leur programme n’en est pas toujours bien défini mais il est certain qu’aborder la notion de « droit » est un préliminaire indispensable à toute étude juridique et qu’il ferait partie d’un tel cours d’introduction. Un grand nombre d’ouvrages sont consacrés à de telles introductions et nous ne pouvons qu’en encourager la lecture.
V. entre autres :
Rémy Cabrillac, Introduction générale du droit, Dalloz, 14ème édition, 2021.
Molfessis, Terré, Introduction générale au droit, Dalloz, Précis, 14ème édition, 2022.
Avant même d’aborder la signification du mot « droit » ou « recht », l’on peut penser aux termes équivalents dans les autres systèmes juridiques et dans les autres systèmes de langues.
Pour exprimer « le droit » on utilisera en anglais et dans les systèmes de common law le terme law, le terme rigt ou rights utilisé au pluriel faisant référence aux droits subjectifs (les droits que l’individu peut faire valoir face à l’Etat et aux autres individus). Comme le remarque Alain Supiot (La gouvernance par les nombres, Fayard, 2015, « Common law et droit constinental ») l’usage du terme droit, diritto, recht, dessine une forme de rapport entre l’Etat et l’individu. Le « droit », qui désigne les normes générales et impersonnelle aussi bien que les droits subjectifs de l’individu, place le rapport juridique constitutivement dans l’orbite étatique.
Francis Hamon et Michel Troper (Droit constitutionnel, LGDJ, 36ème édition, Chapitre préliminaire: Le droit comme système de normes) présentent le droit comme un « système de normes ».
La norme est la signification d’une phrase par laquelle on déclare que quelque chose doit être tandis qu’une proposition est la signification d’une phrase par laquelle on indique que quelque chose est.
Le droit et les autres systèmes normatifs.
- Le droit prescrit des sanctions
- Le droit est un système hiérarchisé : hiérarchie statique et hiérarchie dynamique.
- Cette dernière distinction renvoie à la distinction entre norme substantielle et norme d’habilitation.
Comparaison avec la Religion : n’établit pas une norme juridique en dehors de la sanction de l’Etat. S’il existe des normes d’origine religieuse (Charia, droit canon sous l’Ancien Régime, etc.) c’est en raison d’une absence de distinction entre le temporel et le spirituel.
Le droit, comme système de norme, a besoin de la sanction de l’Etat, qui dispose du « monopole de la contrainte organisée » et donc du pouvoir de sanction.
B. La constitution
Le terme « Constitution » est, en français (comme souvent) beaucoup plus polysémique qu’en allemand.
Le terme français « constitution » signifie Verfassung ou « Grundnorm », mais aussi Anlage (d’une équipe), Zusammensetzung (composition), Konstitution (physiologique), Erhebung (devant une juridiction).
C’est dans le sens de Verfassung ou Grundnorm que le terme français « constitution » doit être ici entendu. Mais pas seulement.
Dans le terme « constitution » se cache également l’idée de composition, d’ordonnancement de plusieurs parties entre elles, d’établissement.
A cet égard, la « constitution » n’est pas que la loi qui fonde toutes les autres (Grundnorm).
C’est également l’ensemble des règles d’exercice des fonctions de l’Etat, et l’organisation des différents organes qui les exercent (Zusammenstzung).
Elisabeth Zoller dans son Droit constitutionnel (PUF, collection « Droit fondamental », 1998) distingue les conceptions descriptive et conception normative de la constitution. Du point de vue descriptif, la constitution n’est rien d’autre que le gouvernement d’un Etat. C’est, rappelle E. Zoller, la conception la plus ancienne et la plus traditionnelle, celle que l’on retrouve chez Aristote quand il classe les gouvernements. Au sens normatif ajoute l’auteur, « une constitution est la loi fondamentale et suprême que se donne un peuple libre » (p.30).
D’une manière plus générale, nous devons rappeler toutes les significations que peut avoir le terme « constitution » à travers une distinction fondamentale : constitution au sens formel et constitution au sens matériel. Elisabeth Zoller rattache cette distinction à l’approche descriptive du droit constitutionnel, rattachement qui nous semble quelque peu restrictif. Il nous semble que cette distinction transcence la distinction entre l’approche descriptive et l’approche normative.
L’on parle de critère formel lorsque l’on fait référence à la forme d’un acte, non à son contenu.
Dire qu’il existe une constitution formelle, c’est dire qu’il existe un document en principe appelé constitution, dans lequel sont insérées des dispositions qui formeront une constitution.
Ce document aura été adopté selon des procéures particulières, qui le distingueront des autres actes juridiques.
Pour certains auteurs, la constitution au sens formel est « l’ensemble des règles juridiques élaborées et révisées selon une procédure supérieure à celle utilisée pour la loi ordinaire » (Gicquel, p. 163).
Si la distinction permet de saisir le sens du mot constitution (1) elle est peu effective pour l’étude de cette branche du droit (2).
1) Contenu de la distinction constitution formelle / constitution matérielle
La distinction entre constitution au sens matériel et au sens formel renvoie la plupart du temps à une autre distinction, entre les constitutions écrites et les constitutions non écrites, aussi appelées constitutions coutumières.
L’idée de constitution écrite est facile à saisir : une constitution est écrite lorsqu’il existe un texte, appelé constitution, Charte ou Déclaration, qui contient les règles essentielles de l’organisation du pouvoir d’un État.
a) La constitution au sens formel
La définition formelle de la constitution est particulièrement pauvre : c’est le document appelé Constitution.
i) Les formes de la Constitution
La Constitution est rédigée en un document unique ou fragmenté.
Exemple de la Constitution française composée :
– du texte de la Constitution du 4 octobre 1958 ;
– du préambule de la Constitution de 1946 ;
– de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ;
– de la Charte de l’environnement.
Mais très vite surgit une difficulté : lorsque la Constitution contient des normes « substantielles », ou normes statiques, ces normes doivent être découvertes par des interprètes de la Constitution, en principe le juge constitutionnel.
La constitution au sens formel renvoie dans ce cas à un contenu constitutionnel qu’il est difficile de prédéterminer.
C’est en France l’exemple des PFRLR : ils ont un fondement textuel, mais résultent de l’interprétation et ne sont pas inscrits dans le texte constitutionnel.
ii) Les caractères de la constitution formelle : constitution rigide et constitution souple
La distinction entre constitution rigide et constitution souple est des plus classiques et des plus inutiles.
Le pouvoir constituant originaire
On appelle pouvoir constituant originaire le pouvoir initial d’établir une constitution.
L’exercice du pouvoir constituant originaire n’obéit pas des règles préétablies, puisqu’il fonde un nouvel ordre constitutionnel.
Dans de très nombreux cas, les situations dans lesquelles intervient le pouvoir constituant originaire sont des situations de rupture non seulement juridique, mais historique : révolutions, coups d’États, guerres, indépendance d’un État, création d’un nouvel États (Constantinesco, Pierré-Caps, 2010 p. 215).
Sans que la liste des cas puisse être exhaustive, notons que les constitutions nouvelles peuvent naître à l’occasion :
. D’une révolution. Le cas venant immédiatement à l’esprit est la Révolution française.
D’autres Révolutions ont eu lieu : celle de 1848 en Allemagne a abouti à l’adoption d’une constitution. De même, la Révolution de février 1848 aboutira en France à l’adoption de la Constitution de la deuxième République du 12 novembre.
. D’une Guerre : Encore une fois, les exemples de la France et de l’Allemagne sont très illustratifs.
L’adoption de la Loi fondamentale (Grundgesetz für die Bundesrepublik Deutschland) du 23 mai 1949 est la conséquence directe de la Seconde Guerre Mondiale, comme l’est la constitution française du 27 octobre 1946.
. De l’indépendance. L’adoption de la constitution américaine de 1787 est la conséquence de l’indépendance américaine proclamée en 1776.
Mais c’est le XXème siècle qui offre les exemples les plus frapants de constitutions découlant de l’indépendance d’États dans lesquels il n’avait jamais existé de constitution, ni au sens formel, ni au sens matériel.
Tous les États africains issus de la décolonisation (française, britannique et portugaise) se sont dotés de constitutions nouvelles, correspondant à la création d’États nouveaux.
Le pouvoir constituant dérivé
Le pouvoir constituant dérivé est celui qui dérive d’une constitution (en principe formelle) déjà existante. Le pouvoir constituant dérivé découle de l’exécution d’une constitution et suppose le respect des règles de compétence et de forme prévues par le texte initial. L’exercice du pouvoir constituant dérivé se fait dans des périodes de continuité constitutionnelle, contrairement aux exemples précités de ruptures constitutionnelles.
b) La constitution au sens matériel
Il est aisé de comprendre que, même incluses dans un texte appelé constitution, toutes les matières ne sont pas « constitutionnelles ».
Un exemple frappant en est la fameuse constitution corse de 1755.
L’existence de cette constitution est peu enseignée, les écrits sont rares, à part une thèse écrite par un corse en 1906, et quelques évocations fugaces.
Elle fait la fierté des corses, qui ont proclamé selon eux la première constitution démocratique de l’histoire, avant de donner au monde son plus grand général et despote.
La Constitution de Corse de 1755, proclamée par Pascal Paoli, évoque assez clairement le droit du peuple à disposer de lui-même, et en réfère à la Nation.
Quelques paragraphes, un peu confus, sont consacrés au fonctionnement des institutions.
Mais cette « Constitution » contient des dispositions qu’il esi difficile de qualifier de « constitutionnelles ».
Qu’on en juge.
Lors des marches militaires, il est prévu :
« Dans les marches il [le commaissaire] sera toujours en tête des gens de sa pieve pour exécuter les ordres et les dispositions de celui qui commandera la marche en chef, à qui il montrera le mémoire concernant les hommes requis, afin qu’il soit possible de poursuivre les absents avec les peines appropriés et imposées par le Général. Il fixera, dans les lieux où il devra aller, une localité où ils devront se joindre à lui, sous peine d’une amende de 20 sous pour chaque absent qu’on répartira entre ceux qui participeront à cette expédition.
Encourront la même peine ceux qui pendant les marches, sans la permission nécessaire, s’éloigneront de leur commissaire à une telle distance qu’ils ne seront plus à portée pour exécuter ses ordres ».
Pour les lois pénales :
« Celui qui blessera légèrement dans une rixe sera condamné d’un à deux mois de prison, et à payer 20 sous par jour pour la garde, à la discrétion du Conseil, et s’il est contumace, sa famille sera emprisonnée, ou s’il n’a pas de famille, son plus proche parent jusqu’a ce que, lui le coupable trouvé ».
L’on comprend, instinctivement, que ces matières ne sont pas constitutionnelles.
Elles coexistent pourtant dans un texte appelé « Constitution » avec des dispositions relatives à l’organisation des pouvoirs publics.
La détermination des « matières constitutionnelles » ne peut se faire in abstracto.
2) Limites de la distinction
Nous verrons plus loin que le texte ne dit pas tout de la Constitution : ce texte doit être interprété, et appliqué. La connaissance désincarnéee du texte n’informe pas totalement sur le sens qui lui sera donné.
Le Général de Gaulle déclarait, lors d’une conférence de presse le 31 janvier 1964 : « une constitution, c’est un esprit, des institutions, une pratique ».
Il ajoutera : « ce qui est écrit, fut-ce sur un parchemin, ne vaut que par l’application ».
Ces deux phrases expliquent très bien que la constitution ne peut être comprise, et interprétée, qu’en référence à une pratique institutionnelle particulière.
Dans la perspective de la théorie réaliste de l’interprétation, seule la pratique permet de connaître la Constitution.
La Constitution, sans la pratique, est désincarnée. Elle ne peut être comprise.
Le rôle de la vie politique est d’interpréter la constitution, par la pratique. L’on n’est pas loin alors de l’interprétation musicale, d’une partition qui ne peut avoir d’existance que par l’exécution que lui en donne l’interprète.
a) Le problème de l’interprétation
On appelle interprétation l’opération par laquelle on attribue une signification à un texte (Hamon, Troper, 29ème édition, p. 57).
Certains soutiennent in claris cessat interpretatio.
« Cette thèse aboutit en réalité à un paradoxe, car pour pouvoir affirmer que le texte est clair et qu’il n’y a pas lieu de l’interpréter, il faut savoir quelle est sa signification, c’est-à-dire qu’il faut l’avoir interprété » (Hamon, Troper, ibid).
La nécessité d’interpréter tient à trois facteurs principaux.
1. Le premier facteur est l’indétermination du texte. Cette indétermination est liée aux propriétés du langage naturel.
Les termes sont nécessairement ambigus. L’ambiguïté est cette propriété d’un mot de désigner plusieurs objets possibles : dans le langage courant le mot « hommes » désigne ou bien les être humains, ou bien seulement les adultes de sexe masculin.
Une expression peut être vague, parce qu’on ne sait pas très bien à quel objet elle s’applique : exemple du terme « chauve ».
Article 17 DDHC : nul ne peut être privé de sa propriété que lorsque la nécessité publique l’exige et « sous la condition d’une juste et préalable indemnité ».
L’indétermination est parfois volontaire.
V. article 16 de la Constitution de 1958 : « Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacés d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances […] »
2. Par ailleurs, un texte n’a pas toujours une signification déterminée, parce qu’il a plusieurs auteurs.
V. l’exemple de la Constitution tunisienne du 26 janvier 2014, oeuvre de compromis (Nota : une version bilingue français – allemand est accessible sur BIJUS : http://www.bijus.eu/?p=10859) proposant une synthèse d’au moins deux courants opposés (islamiste et réformiste) qui ont construit par empilement des phrases contenant des termes antonomiques :
Préambule de la constitution tunisienne du 26 janvier 2014, al. 3 :
Exprimant l’attachement de notre peuple aux enseignements de l’Islam et à ses finalités caractérisés par l’ouverture et la tolérance, ainsi qu’aux valeurs humaines et aux principes universels et supérieurs des droits de l’Homme. S’inspirant de notre patrimoine civilisationnel tel qu’il résulte de la succession des différentes étapes de notre histoire et des mouvements réformistes éclairés qui reposent sur les fondements de notre identité arabe et islamique et sur l’acquis civilisationnel de l’humanité, attachés aux acquis nationaux réalisés par notre peuple ;
die Verbundenheit unseres Volkes mit den Lehren des Islam zum Ausdruck bringend, dessen Ziele Offenheit und Toleranz sind, die Verbundenheit mit den menschlichen Werten sowie den hohen Prinzipien der universellen Menschenrechte zum Ausdruck bringend; inspiriert von unserem im Laufe unserer Geschichte erworbenen Kulturerbe, von unseren aufgeklärten Reformbewegungen auf der Grundlage unserer islamisch‐arabischen Identität und der universellen Errungenschaften der menschlichen Zivilisation, und in Verbundenheit mit den nationalen Errungenschaften unseres Volkes;
3. Enfin, les notions évoluent avec les conceptions politiques et sociales.
Exemple principe d’égalité au sens de la DDHC : pas égalité hommes-femmes, pas droit de vote de tous les hommes.
Exemple de l’égalité devant l’impôt : l’égalité devant l’impôt à la fin du XVIIIème siècle est assimilée à la proprotionnalité de l’impôt; l’égalité est aujourd’hui incarnée dans la proressivité de l’impôt, sous l’influence de l’étude des marginalistes qui ont démontré qu’une même proportion d’argent n’avait pas la même valeur pour tous.
De même : la protection du « citoyen ». Aujourd’hui il est nécessaire de protéger les « hommes », même non citoyens (utilisation article 1er DDHC à côté de l’article 6 DDHC).
Si on appliquait la DDHC telle que ses auteurs avaient l’intention de l’appliquer, elle serait intolérable même si dans son contexte historique c’est une texte marquant des avancées inouïes.
Si l’on veut éviter cette conséquence absurde, il faut admettre que le texte possède une signification indépendante de celle que lui attribuaient ses auteurs.
Nature de l’interprétation.
Hamon Troper présentent une distinction entre les théories Légicentriste et réaliste de l’interprétation.
Légicentrisme : le juge serait la « bouche de la loi ». Il appliquerait les textes, par une interprétation objective, qui révèlerait le seul et unique sens de la norme.
Théorie réaliste de l’interprétation : l’interprétation est authentique, non pas parce que c’est la seule possible, mais parce qu’elle émane d’un interprète authentique qui détermine le sens qui sera appliqué.
Il en découle que l’interprète détient un pouvoir de même niveau que celui de l’autorité dont il interprète les textes.
b) La coutume constitutionnelle
Bibliographie
Avril (Pierre), Les conventions de la Constitution, PUF coll. Leviathan, 1997.
Capitant (René), « La coutume constitutionnelle », Gaz Pal 20 décembre 1929 ; reprint RDP 1979 p. 959-970 {LIEN}
i) Définition de la coutume
Selon René Capitant, il y aurait coutume lorsque deux conditions sont réunies :
1° Une pratique répétée = élément dit « matériel »
2° Un sentiment que cette pratique est obligatoire = élément dit « psychologique ».
ii) Rôles de la coutume
a- Le rôle interprétatif
b- Le rôle supplétif
c- Le rôle modificatif
Exemple de la Constitution Grevy
Loi du 25 février 1875 relative à l’organisation des pouvoirs publics
Article 5 : Le Président de la République peut, sur l’avis conforme du Sénat, dissoudre la Chambre des députés avant l’expiration légale de son mandat.
6 février 1879 : « L’Assemblée nationale, en m’élevant à la présidence de la République, m’a imposé de grands devoirs. Je m’appliquerai sans relâche à les accomplir, heureux si je puis, avec le concours sympathique du Sénat et de la Chambre des députés, ne pas rester au-dessous de ce que la France est en droit d’attendre de mes efforts et de mon dévouement. » (Très bien ! très bien !)
« Soumis avec sincérité à la grande loi du régime parlementaire… » (Très bien ! très bien ! à gauche et au centre), « je n’entrerai jamais en lutte contre la volonté nationale… » (Bravos et applaudissements prolongés à gauche et au centre), « contre la volonté nationale exprimée par ses organes constitutionnels. » (Nouveaux applaudissements.)
II. Le droit constitutionnel en France
En simplifiant les choses à l’extrême l’on peut soutenir que l’étude et l’enseignement du droit constitutionnel en France se réfère à une approche politique de la matière. Le droit constitutionnel est en France appréhendé comme un « droit politique ». Il existe même une revue, Jus Politicum, qui présente de nombreuses qualités: de thès haute tenue scientifique, gratuite et accessible en ligne.
Nous reproduisons ici un extrait de la présentation de la revue (http://juspoliticum.com/presentation-de-la-revue)
Jus Politicum est une revue électronique consacrée au droit politique. Le droit constitutionnel est de plus en plus analysé à partir du seul contrôle effectué par le juge. Il pose néanmoins des questions plus vastes, qui ne peuvent se ramener à une approche purement contentieuse, ni même à une simple analyse des normes. Loin d’opposer les phénomènes juridiques aux questions politiques, les initiateurs de la revue sont au contraire convaincus que le droit constitutionnel ne prend toute sa signification qu’en se plaçant à leur point de convergence, lorsqu’il est pleinement appréhendé comme droit politique ; lorsque la règle est comprise à la lumière de sa pratique, de son histoire, de son soubassement philosophique : à la lumière de cette culture, en un mot, qui seule lui donne son véritable sens (V. également, « Jus Politicum : le droit ressaisi par la politique ? », www.nonfiction.fr, 6 janvier 2011).
Derrière le terme de droit politique et la référence au juge se cache une différence culturelle et méthodologique que l’on peut réduire, eu égard à nos centres d’intérêts communs, à une distinction (sinon une opposition) entre l’approche française et l’approche allemande.
L’enseignement du droit constitutionnel français est très marqué par le référence historique, comme nous le verrons. L’étude du droit constitutionnel fait une large place à l’étude des formes de gouvernement. Etudier le droit constitutionnel c’est étudier la théorie de l’Etat et très peu les sources du droit. L’enseignement des droits et libertés, qui constitue habituellement le Staatsrecht II, second semestre du droit constitutionnel allemand, est habituellement « relégué » dans les études françaises à la troisième année et à l’étude des « libertés publiques ». Ce cours semestriel ne porte plus d’ailleurs que rarement ce nom. Il est devenu fréquemment le cours de libertés publiques et droits fondamentaux ou simplement de droit fondamentaux ou de « droit des libertés fondamentales ». C’es que l’influence de ce qu’il est convenu d’appeler le « constitutionnalisme moderne » est forte.
Avant de continuer, nous souhaitons faire un petit point terminologique pour aborder des notions qui constituent le coeur de notre second semestre (Droit constitutionnel II)
La Constitution se réfère à un ensemble de notions disparates :
– « libertés publiques » (Const., art. 34)
– « liberté individuelle » (Const., art. 66),
– « droits et libertés que la constitution garantit » (Const., art. 61-1)
– « droits de l’homme » (Déclaration, 1789
– « droits et libertés de l’homme et du citoyen » (Préambule 1946)
– « droits économiques et sociaux » (Préambule 1946)
– « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » (Préambule 1946).
Le Conseil constitutionnel se réfère également à différentes notions que sont :
– les « libertés constitutionnellement reconnues » (CC 19-20 janv. 1981, déc. n° 80-127 DC
– « libertés fondamentales » (CC 10-11 oct. 1984, déc. n° 84-181 DC)
– « libertés publiques constitutionnellement garanties » (CC 18 janv. 1995, déc. n° 94-352 DC)
– « droits fondamentaux de valeur constitutionnelle » (CC 13 août 1993, déc. n° 93-325 DC) ;
– « droits, libertés et principes » constitutionnels (CC, 27 juill. 1994, déc. n° 94-343 DC).
Les « libertés publiques » sont un cours obligatoire de 3ème année. Mais le terme a évolué et l’expression « droit et libertés fondamentaux » est parfois utilisé.
Pour saisir la diversité terminologique, il est nécessaire de définir un certain nombre de termes.
Distinction droits et libertés
Il convient de distinguer droits et libertés, bien que les deux termes soient liés.
L’article 4 en fait les deux revers de la même médaille : article 4 DDHC : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi ». Elle suppose donc la reconnaissance de certains droits aux tiers pour que l’individu ne puisse abuser de sa liberté.
Les libertés n’existent que parce qu’elles sont protégées par le droit et elles constituent dans le for des individus des droits.
Libertés publiques et libertés individuelles et liberté individuelle
Les termes libertés publiques et liberté individuelle (et les libertés individuelles qui en découlent) ne s’opposent pas.
Dans le terme « libertés publiques », « publiques » n’est utilisé que pour indiquer qu’il s’agit de libertés qui doivent être garanties dans un rapport avec l’Etat.
La liberté n’est pas en elle-même publique, c’est sa garantie qui l’est. Il s’agit là en quelque sorte d’une ellipse.
Libertés publiques ne s’oppose pas à liberté individuelle : la liberté individuelle fait partie des libertés publiques.
Les libertés individuelles s’opposent à libertés collectives.
« On désigne par « libertés individuelles » l’ensemble des libertés et droits fondamentaux, ou même de libertés publiques, attachés à l’individu par opporition aux « libertés collectives », qui reconnues à un groupement d’individus, déterminent une forme d’exercice collectif de certains droits et libertés… » (Favoreu, 14ème édition p. 819) comme la liberté d’association ou de réunion.
Font partie des libertés individuelles :
- Liberté de pensée
- Droit au respect de la dignité humaine
- Liberté de religion
Envisagé au singulier, « liberté individuelle » désigne la protection de l’individu contre les formes de limitation de sa liberté « corporelle » ou la détermination d’un espace intime de l’individu, inviolable par les pouvoirs publics.
Dans son sens restreint, la libert individuelle peut être assimilée à la « sûreté » visée à l’article 2 DDHC.
Dans un sens plus large, la liberté individuelle peut être vue comme celle de l’article 66 C.
« Nul ne peut être arbitrairement détenu.
L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ».
Si l’alinéa 1er de l’article 66 renvoie à la notion de sûreté alors il faut admettre que l’alinéa 2 en garantissant la « liberté individuelle » assure plus que la sûreté.
C’est au demeurant ce que le Conseil constitutionnel semble indiquer (si tant est qu’il ait une quelconque vision systématique de la question) lorsqu’il range l’inviolabilité du domicile parmi la liberté individuelle (CC 83-164 DC du 29 décembre 1984, Perquisitions fiscales).
Certains auteurs définissent les libertés publiques comme le « pouvoir d’autodétermination reconnu par des normes à valeur au moins législative et bénéficiant d’une protection renforcée même à l’égard des pouvoirs publics”.
Droits fondamentaux et libertés fondamentales
La notion de droit fondamentaux a été popularisée en France par le professeur Louis Favoreu, après la lecture d’un article du professeur Fromont dans les Mélanges de Charles Eisenmann parus en 1975.
Cet article portait sur les « droits fondamentaux dans l’ordre juridique de la RFA ».
L’expression française droits fondamentaux tire sens équivoque sa source de la notion de Grundrechte.
Ce qui fait le caractère fondamental d’un droit ou d’une liberté est simplement sa consécration par le droit constitutionnel ou le droit européen et international ou autrement dit son rang dans la hiérarchie des normes.
La notion de liberté fondamentale en dehors de la Constitution :
Article L. 521-2 code de justice administrative :
« Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ».
Constitue au sens de cet article une liberté fondamentale :
- Le droit à la sûreté
- Le droit de propriété, y compris celui des personnes publiques (CE, 9 octobre 2015, Commune de Chambourcy, n° 393895)
- Le droit de manifester
Droits fondamentaux et droits de l’hommes
Deux sens peuvent être conférés aux droits de l’homme : un sens matériel et formel.
Sur le plan matériel, la notion de « droits de l’homme » renvoie à l’idée d’un ensemble de droits naturels, dans le sens que lui ont donné les rédacteurs de la DDHC.
Sur le plan formel, les droits de l’homme sont ceux de la DDHC et du droit de l’Union européenne.