Liens conseillés :

Le Conseil d’Etat a mis en place quelques outils didactiques pour faire découvrir la juridiction administrative et son fonctionnement.

Nous recommandons de lire ces pages, de suivre les liens et de visionner les courtes vidéos : https://www.conseil-etat.fr/le-conseil-d-etat/missions/juger-l-administration

Sur la fonction consultative du Conseil d’Etat envers le Parlement : https://www.conseil-etat.fr/actualites/actualites/depuis-10-ans-le-conseil-d-etat-est-aussi-le-conseil-du-parlement 

Bibliographie :

Le Conseil d’Etat, Pouvoirs, n° 123

 

I. Identification de la juridiction administrative

La question de l’identification des juridictions ne se pose pas fréquemment. Elle n’est cependant pas dépourvue d’intérêt.

Les juridictions sont soumises à des garanties procédurales bien plus importantes que les autorités administratives.

A./ La notion de juridiction

1) En droit interne

 a)  Les qualifications opérées par le législateur

Article 34 de la constitution

Le législateur fixe les règles concernant « la création de nouveaux ordres de juridiction et le statut des magistrats ».

(L’acte administratif créant une juridiction est illégal, en raison de l’incompétence de l’auteur :

CE Ass. 2 mars 1962, Rubin de Servens*, req. n° 55049 n°55055.)

 b) Qualification opérée par le juge

En l’absence de qualification opérée de façon directe ou indirecte par le législateur, c’est le juge qui apprécie le caractère juridictionnel des organismes dont le statut pose problème. S’il s’avère qu’un décret a créé une autorité qui, d’après les critères dégagés par la jurisprudence, a un caractère juridictionnel, ce décret sera illégal en raison de l’incompétence de son auteur en application de l’article 34 de la constitution.

Trois conditions cumulatives sont requises pour qu’un organisme soit qualifié de juridiction : l’organisme doit être doté d’un pouvoir de décision ; il doit présenter un caractère collégial ; il doit exercer une mission similaire à celle d’un tribunal.

 i) Existence d’un pouvoir de décision

Un organisme qui ne peut qu’exprimer des avis n’est donc pas une juridiction.

CE 18 octobre 2000, Terrail, req. n°208168

Le Conseil supérieur de la magistrature, dans sa formation compétente à l’égard des magistrats du parquet, lorsqu’il est appelé à connaître de l’éventualité d’infliger une sanction disciplinaire, ne dispose d’aucun pouvoir de décision et se borne à émettre un avis à l’autorité compétente sur le principe du prononcé d’une sanction disciplinaire et, s’il y a lieu, sur son quantum. Ainsi, il ne constitue pas une juridiction au sens de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme.

 ii) Caractère collégial de l’organisme

Si la loi n’en dispose pas autrement, il y a incompatibilité entre juge unique et juridiction.

Cette condition revêt comme la première un caractère impératif : même si tous les autres indices sont favorables à la reconnaissance du caractère juridictionnel de l’autorité en cause, l’absence de collégialité suffira à lui dénier ce caractère.

CE Sect. 20 novembre 1970, Bouez et UNEF, req. n° 77133 n°77297

Il s’agissait en l’espèce de savoir si les recteurs d’académie avaient la qualité de juges lorsqu’ils exerçaient des pouvoirs de répression disciplinaire. L’absence de collégialité conduit le Conseil d’Etat à écarter cette solution.

iii) Nature de la mission

CE Ass. 12 décembre 1953, de Bayo ; Rec. p. 544

Il résulte de cet arrêt qu’un organisme est une juridiction « eu égard à la nature de la matière » dans laquelle il intervient et « quelles que soient les formes » dans lesquelles il statue.

Toutes les difficultés n’ont pas été résolues par cet arrêt.

[TIFINE] D’une part, si le Conseil d’Etat a tranché en faveur du critère matériel, il n’a pas précisé quelles sont les matières qui dénotent l’existence d’une juridiction. Il résulte toutefois de la jurisprudence qu’un organisme est susceptible d’être qualifié de juridiction s’il exerce une mission de répression disciplinaire.

 2) Au regard de la Convention européenne des droits de l’homme

Article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice ».

L’approche matérielle de la notion de juridiction est conforme à l’interprétation faite par les juridictions françaises de l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

Il en résulte qu’un organisme qui n’est pas une juridiction au regard du droit interne, devra néanmoins respecter le principe d’impartialité rappelé par ces dispositions «eu égard à la nature, à la composition et aux attributions» qui sont les siennes

 

CE Sect. 3 novembre 1999, Didier, req. n°207434

« Considérant qu’aux termes de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales susvisée : « 1- Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle » ;

 Considérant que, quand il est saisi d’agissements pouvant donner lieu aux sanctions prévues par l’article 69 de la loi susvisée du 2 juillet 1996, le Conseil des marchés financiers doit être regardé comme décidant du bien-fondé d’accusations en matière pénale au sens des stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que, compte tenu du fait que sa décision peut faire l’objet d’un recours de plein contentieux devant le Conseil d’Etat, la circonstance que la procédure suivie devant le Conseil des marchés financiers ne serait pas en tous points conforme aux prescriptions de l’article 6-1 précité n’est pas de nature à entraîner dans tous les cas une méconnaissance du droit à un procès équitable ; que, cependant – et alors même que le Conseil des marchés financiers siégeant en formation disciplinaire n’est pas une juridiction au regard du droit interne le moyen tiré de ce qu’il aurait statué dans des conditions qui ne respecteraient pas le principe d’impartialité rappelé à l’article 6-1 précité peut, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de cet organisme, être utilement invoqué à l’appui d’un recours formé devant le Conseil d’Etat à l’encontre de sa décision ; »

 B./ La notion de juridiction administrative

Dans le silence des textes :

CE Ass., 7 février 1947, d’Aillières, Rec. p.50.

La qualification de la juridiction dépendra alors « de la nature des affaires » qui lui sont soumises. Ceci signifie que le Conseil d’Etat va apprécier si les questions soumises à la juridiction pour laquelle se pose un problème de qualification sont plutôt des questions de droit public ou bien des questions de droit privé.

Exemples :

CE Ass. 12 juillet 1969, L’Etang, rec. p. 388

Le Conseil supérieur de la magistrature statue sur les litiges qui « intéressent l’organisation du service public de la justice ». Il s’agit là de questions de droit public. Le Conseil supérieur de la magistrature est donc une juridiction administrative.

CE Sect. 7 janvier 1949, Adam, rec. p.7:

La commission de remembrement urbain tranche des litiges « concernant les questions de propriété immobilière », questions relevant par nature des juridictions judiciaires. Il s’agit donc d’une juridiction judiciaire.

Parfois, la solution n’est pas aussi tranchée. Ainsi, dans l’affaire d’Aillières se posait la question du statut des jurys d’honneur. Ces organes avaient été institués après la guerre pour statuer sur les demandes de personnes déchues de leurs droits civiques après la libération. Le commissaire du gouvernement Odent estimait que les jurys d’honneur, qui avaient le pouvoir de mettre fin à des inégibilités prononcées pour des motifs politiques étaient des juridictions politiques, de la même façon que la Haute Cour de justice ou la Cour de justice de la république sont des juridictions politiques sous la V° République. Comme on l’a vu, le Conseil d’Etat en a pourtant décidé autrement et a estimé qu’il s’agissait d’une juridiction administrative.

II. Les juridictions de droit commun

A./ Le Conseil d’Etat

1) Organisation du Conseil d’État

a) Les sections
i) Les sections administratives

Section des finances, travaux publics, intérieur, sociale, de l’administration, section du rapport et des études.

ii) La section du contentieux

b) Les formations de jugement

i) L’organe de base : la chambre (anciennement sous-section)

NB :

L’article 62 de la loi « Déontologie, droits et obligations des fonctionnaires » n° du 21 avril 2016 a modifié l’article L. 122-1 CJA qui prévoit désormais que

« Art. L. 122-1.-Les décisions du Conseil d’Etat statuant au contentieux sont rendues par l’assemblée du contentieux, par la section du contentieux, par des formations de chambres réunies ou par une chambre siégeant en formation de jugement. Elles sont en outre rendues, dans les cas définis au chapitre III bis du titre VII du livre VII, par la formation spécialisée prévue à l’article L. 773-2 ».

Le terme « chambre » remplace donc l’appellation de « sous-section » et les « chambres réunies » les « sous-sections réunies » à compter du 21 avril 2016.

122-10 CJA

« Une sous-section ne peut délibérer que si son président et un de ses assesseurs ou, à défaut, les deux assesseurs sont présents. Si, par suite de vacance, d’absence ou d’empêchement du président ou des assesseurs, une sous-section ne se trouve pas en nombre pour délibérer, elle est complétée par l’appel de conseillers d’Etat ; elle peut l’être aussi, mais à titre exceptionnel, par l’appel d’un maître des requêtes pris dans l’ordre du tableau. Lesdits conseillers et maîtres des requêtes sont désignés par le président de la section du contentieux. En cas d’absence ou d’empêchement du président, la sous-section est présidée par l’assesseur le plus ancien.

Lorsqu’elle siège en formation d’instruction, une sous-section peut délibérer en nombre pair. Le président, les assesseurs et les rapporteurs ont voix délibérative dans toutes les affaires. En cas de partage égal, la voix du président est prépondérante ».

 ii) Les chambres réunies (sous-sections réunies)

Formation composée de

 

– président de la section du contentieux ou de l’un des trois présidents adjoints,

– pour la sous-section qui a instruit l’affaire : le président, deux assesseurs, le rapporteur,

– pour l’autre sous-section : le président et deux assesseurs,

– un conseiller d’État appartenant à la section du contentieux désigné par le président de celle-ci, en dehors des deux sous-sections qui siègent.

iii) La « plénière fiscale »

3e, 8e, 9e et 10e chambres réunie

iv) La section

– le président de la section ;

– les trois présidents adjoints ;

– les dix présidents de sous-section ;

– le rapporteur de l’affaire.

 v) L’assemblée

Article R122-20 du code de justice administrative

L’Assemblée du contentieux comprend 17 membres :

– le Vice-président du Conseil d’État ;

– les sept présidents de section ;

– les trois présidents adjoints de la section du contentieux ;

– le président de la sous-section sur le rapport de laquelle l’affaire est jugée ou dans certains cas le président de la sous-section à laquelle l’affaire a été initialement attribuée ;

E les quatre présidents de sous-section les plus anciens dans leurs fonctions en dehors du précédent ;

– le rapporteur.

 vi) La formation spécialisée

 

La loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement a donné au Conseil d’Etat compétence pour juger directement des recours concernant la mise en œuvre des techniques de renseignement ainsi que des recours concernant la mise en œuvre des fichiers informatiques intéressant la sûreté de l’Etat.

L’examen des recours relatifs aux techniques de renseignement et aux fichiers informatiques intéressant la sûreté de l’Etat sont confiés à une formation de jugement spécialisée.

Outre deux rapporteurs publics, cette formation comprend 5 membres :

–    un président, proposé par le vice-président du Conseil d’Etat au ministre de la justice et désigné ensuite par arrêté du Premier ministre ;

–    deux membres titulaires, choisis par le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat parmi les conseillers d’Etat ;

–    deux membres suppléants, choisis par le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat parmi les conseillers d’Etat et les maîtres des requêtes.

 

La formation spécialisée est spécialsement habilitée à accéder à des informations classées secret défense, mais les documents qu’elle examine peuvent ne pas être communiqués aux parties.

Les décisions rendues sont publiées mais ne peuvent pas diffuser d’informations couvertes par le secret.

 

 c) Les membres de la juridiction

Distinction par le grade : auditeur, maître des requêtes, conseiller d’État (puis présidents de sous-sections, de section, vice-président).

Distinction par la fonction : membre d’une section contentieuse ou administrative, rapporteur, rapporteur public (commissare du gouvernement). Présidents de chambres, de section, VP (SGG)

Distinction par l’accès. Service ordinaire : ENA / Tour extérieur (à la discrétion du gouvernement)

Nota : sur le commissaire du gouvernement devenu rapporteur public

Bibliographie sur les commissaires du gouvernement / Rapporteurs publics

PACTEAU (Bernard), « Une colère au Conseil d’Etat en 1832 (page d’histoire de ses commissaires du gouvernement) », RDP 2017 n° 2 pp. 309-319.

CEDH 7 juin 2001, KRESS c. France*

2) Fonctions du Conseil d’État

a) Les fonctions contentieuses
i) Le Conseil d’État, juge de cassation
 ii) Le Conseil d’État, juge d’appel
 iii) Le Conseil d’État, juge en premier et dernier ressort

 

– Compétence pour connaître des décrets individuels

– Actes réglementaires nationaux (décrets, arrêtés des ministres)

– Délibérations des organes collégiaux à compétence nationale

– Contentieux électoral

iv) Les avis contentieux

Loi n°87-1127 du 31 décembre 1987 PORTANT REFORME DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

Article L. 113-1 CJA

« Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d’appel peut, par une décision qui n’est susceptible d’aucun recours, transmettre le dossier de l’affaire au Conseil d’Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu’à un avis du Conseil d’Etat ou, à défaut, jusqu’à l’expiration de ce délai ».

 

b) Les fonctions consultatives

Article 39 C al. 2

« Les projets de loi sont délibérés en Conseil des Ministres après avis du Conseil d’État […] »

CC, décision 2003-468 DC du 3 avril 2003, Loi relative à l’élection des conseillers régionaux

 « En ce qui concerne la consultation du Conseil d’État :

  1. Considérant que les députés et les sénateurs requérants soutiennent que la procédure législative serait viciée du fait que le texte du projet de loi déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale aurait été différent tant de celui soumis au Conseil d’État que de celui adopté par lui ;
  2. Considérant qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article 39 de la Constitution : « Les projets de loi sont délibérés en Conseil des Ministres après avis du Conseil d’État et déposés sur le bureau de l’une des deux assemblées » ;
  3. Considérant que, si le Conseil des ministres délibère sur les projets de loi et s’il lui est possible d’en modifier le contenu, c’est, comme l’a voulu le constituant, à la condition d’être éclairé par l’avis du Conseil d’Etat ; que, par suite, l’ensemble des questions posées par le texte adopté par le Conseil des ministres doivent avoir été soumises au Conseil d’Etat lors de sa consultation ;
  4. Considérant, en l’espèce, qu’en substituant, pour l’accès au second tour des élections régionales, un seuil égal à 10 % du nombre des électeurs inscrits au seuil de 10 % du total des suffrages exprimés retenu par le projet de loi soumis au Conseil d’État, le Gouvernement a modifié la nature de la question posée au Conseil d’État ; que ce seuil de 10 % des électeurs inscrits n’a été évoqué à aucun moment lors de la consultation de la commission permanente du Conseil d’État ; que les requérants sont dès lors fondés à soutenir que cette disposition du projet de loi a été adoptée selon une procédure irrégulière ;
  5. Considérant qu’il y a lieu, par voie de conséquence, de déclarer contraires à la Constitution, au a) du 2° de l’article 4, les mots : «  » 5 % du total des suffrages exprimés  » et », « respectivement » et «  » 10 % du nombre des électeurs inscrits » et » ;
  6. Considérant que ces dispositions sont séparables des autres dispositions de la loi ; »

Article 38 C

Article 37 C al. 2

Avis obligatoire sur les décrets pris après avis du CE : « Le Conseil d’État entendu »

Avis facultatif sur des décrets « Vu l’avis du Conseil d’État ».

Article 39 al. 5 C

Loi 2009-689 du 15 juin 2009, tendant à modifier l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et à compléter le code de justice administrative

Décret 2009-926 du 29 juillet 2009, relatif à l’examen par le Conseil d’Etat des propositions de loi

 

Rapport annuel du Conseil d’État

 

B./ Les CAA et TA

 

1) Les tribunaux administratifs

 

2) Les Cours administratives d’appel