I.             Police administrative et police judiciaire

« La police administrative apparaît … comme la fonction de l’administration qui a pour but de faire régner l’ordre public, en imposant en amont aux membres de la société des restrictions à leurs libertés publiques pour assurer la discipline qu’exige la vie sociale ». (1)

Mais cette définition a un avantage : elle indique qu’il existe une large part de la police qui ne suppose pas l’intervention sur le terrain : une grande part de la police administrative consiste en l’adoption d’actes administratifs réglementaires et individuels.

La question de la définition de la police administrative se pose non pour l’adoption des actes administratifs, mais pour les actes matériels de la police : interventions, contrôles, saisies.

En résumé, relèvent de la police administrative les actes matériels et juridiques visant à la prévention d’une atteinte à l’ordre public.

Relèvent de la police judiciaire les actes juridiques et matériels visant à la répression des atteintes à l’ordre public.

(1) FRIER, Jean-Laurent ; PETIT, Jacques : Droit administratif , 6ème éd.

CE Sect. 11 mai 1951, Consorts Baud, p. 265

« Considérant que les requérants demandent à l’Etat réparation du préjudice qu’ils ont subi du fait de la mort du sieur Baud (Paul) ; leur fils, époux et père, blessé mortellement au cours d’une opération de police que des inspecteurs de police accomplissaient à Lyon le 31 octobre 1945, en vue d’appréhender des individus signalés comme faisant partie d’une bande de malfaiteurs ; que cette opération relevait de la police judiciaire ; que les litiges relatifs aux dommages que peuvent causer les agents du service public dans de telles circonstances ressortissent aux tribunaux de l’ordre judiciaire ; que, dès lors, les requérants ne sont pas recevables à contester devant le Conseil d’Etat la décision du ministre de l’Intérieur qui a rejeté leurs demande d’indemnité ; »

TC 7 juin 1951, Dame Noualek, p. 636

« Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’au cours de la nuit du 19 au 20 septembre 1943, la dame Neumar, épouse Noualek, qui se trouvait à la fenêtre de son appartement, 11, rue du Moulin à Montferrand, fut atteinte et blessée à la main droite par une charge de plombs de chasse ; Que le coup de feu parti provenait d’un fusil de chasse dont était porteur le garde Higounet du G.M.R. « Albigeois », mis cette nuit-là à la disposition d’inspecteurs de police judiciaire procédant, sur instructions de l’intendant de police, à une visite domiciliaire dans un immeuble voisin ;

[…] 

Cons. que les faits dommageables dont a été victime la dame Noualek sont consécutifs à une opération de police exécutée dans une période anormale où, en application de textes en date des 23 avril et 7 juillet 1941, tous les services de police étaient placés sous l’autorité des préfets « en vue d’assurer le maintien de l’ordre, et de « prévenir et réprimer les atteintes à la sécurité publique » ; Qu’en l’espèce, ladite opération, dont l’instruction n’établit pas qu’elle avait pour objet la recherche d’un délit ou d’un crime déterminé, effectuée sur instructions de l’intendant de police, sous la protection de fusils de chasse, en dehors de tout ordre ou intervention de l’autorité judiciaire, ne saurait être regardée comme une «perquisition» mais comme une véritable opération de police administrative, exclusive des règles protectrices du domicile privé des citoyens, ne pouvant être rattachée au fonctionnement de la justice ; Qu’ainsi, dans les circonstances où s’est produit l’acte dommageable, survenu au cours de l’exécution d’un service publie et non détachable de l’accomplissement de celui-ci, les tribunaux judiciaires ne peuvent se prononcer sur la responsabilité civile de l’Etat, qui n’est susceptible d’être mise en cause que devant un tribunal administratif ; »

CE ass. 24 juin 1960, Société Frampar et Société France Editions et Publications*, p. 412

« Sur la compétence : Considérant que, par les arrêtés attaqués en date des 29 décembre 1956 et 6 janvier 1957, le préfet d’Alger a ordonné la saisie des numéros en date des 30 et 31 décembre 1956 et des 6 et 7 janvier 1957 du journal « France-Soir » ; que, si lesdits arrêtés mentionnent, dans leurs visas, l’article 80 du Code pénal ainsi que l’article 10 du Code d’instruction criminelle et si, conformément à cette dernière disposition, le préfet a avisé le Procureur de la République de l’intervention des mesures ainsi prises et lui a transmis les pièces dans les vingt-quatre heures, il résulte manifestement de l’ensemble des circonstances de chacune de ces affaires que les saisies litigieuses ont eu pour objet, non de constater des crimes ou délits contre la sûreté intérieure ou la sûreté extérieure de l’Etat et d’en livrer les auteurs aux tribunaux chargés de les punir, mais d’empêcher la diffusion dans le département d’Alger d’écrits insérés dans les numéros précités du journal susmentionné. Que, dans ces conditions, nonobstant les visas des arrêtés qui les ont ordonnées et la transmission des pièces au parquet, les saisies dont s’agit présentent, en réalité, le caractère de mesures administratives ; que, par suite, il appartient à la juridiction administrative de connaître de la demande tendant à l’annulation pour excès de pouvoir des arrêtés contestés du préfet d’Alger ; que, dès lors, les Sociétés requérantes sont fondées à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d’Alger s’est déclaré incompétent pour statuer sur ladite demande ; » 

II.            Police administrative générale et polices administratives spéciales

A.        La distinction par l’objet

1)   L’objet de la police administrative générale : l’ordre public

– Tranquillité

– Sécurité

– Salubrité

Article L. 2212-2 CGCT

« La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques… ».

CE Sect. 18 décembre 1959, Société « Les films Lutetia »*, p. 693

Un maire peut interdire la projection d’un film sur son territoire auquel le visa d’exploitation a été accordé mais dont la projection est susceptible d’entraîner des troubles sérieux ou d’être, à raison du caractère immoral du film et de circonstances locales, préjudiciable à l’ordre public.

NB : Il faut conserver la distance critique indispensable avec cette décision. Le caractère « immoral » d’un film n’est plus un motif légal d’interdiction et dans ce domaine la compétence résiduelle du maire par rapport à la police spéciale du cinéma est extrêmement réduite.

Philippe Cossalter, ‘Port du masque et pouvoirs de police du maire : pour en finir avec la jurisprudence Films Lutetia, Note sous CE Ord., 17 avril 2020, Commune de Sceaux, requête numéro 440057 ‘ : Revue générale du droit on line, 2020, numéro 51871.

CE Ass. 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge*, p. 372

Le respect de la dignité humaine est une composante de l’ordre public.

Philippe Cossalter, ‘ La dignité humaine en droit public français : l’ultime recours, Intervention à la 7ème conférence-débat du Centre de droit public comparé, Université Panthéon-Assas Paris II, 30 octobre 2014 ‘ : Revue générale du droit on line, 2014, numéro 18309.

Philippe Cossalter, ‘ Affaire Dieudonné : un cas d’école (3), ‘ : Revue générale du droit on line, 2014, numéro 13599.

 

2)   Les objets des polices administratives spéciales

 

B.        La distinction par le titulaire du pouvoir de police

1)   Les détenteurs du pouvoir de police administrative générale

Le Premier ministre

CE 8 août 1919, Labonne*, p. 737

Le chef de l’exécutif a la compétence de police administrative générale sur l’ensemble du territoire.

Aujourd’hui c’est le Premier ministre : CE Ass., 11 juillet 1975, Paris de la Bollardière, requête numéro 92381

Le maire

Article L. 2212-2 CGCT : 

« La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques… ».

Le préfet

+ Préfet de police

2)   Les détenteurs des pouvoirs de police administrative spéciale