Conseil de lecture :
Pierre Tifine, ‘ Droit administratif français – Deuxième Partie – Chapitre 1 – Section IV, Chapitre 1 : Sources de la légalité administrative – Section III : La loi ‘ : Revue générale du droit on line, 2013, numéro 5627 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=5627)
La loi au sens formel du terme (la loi votée par le Parlement et non au sens matériel c’est-à-dire les normes à caractère général et impersonnel) est naturellement une source majeure sinon la source première de la légalité administrative.
Le droit administratif s’est construit sur le respect porté par le juge administratif à la loi, expression de la volonté générale. La lecture de la loi et la soumission du juge administratif au législateur revient de manière récurrente comme la première étape dans la construction des grandes notions du droit administratif.
Ainsi, la responsabilité sans faute de l’Etat du fait des lois ne peut être engagée que dans le silence du législateur (1).
Nous avons vu que le juge administratif s’est toujours refusé à contrôler la constitutionnalité de la loi (2) et qu’il n’a assuré la pleine primauté du droit international écrit sur la loi (3) qu’après une longue résistence.
1) CE Ass., 14 janvier 1938, Société des produits laitiers La Fleurette*, req. n 51704, rec. p. 25
2) CE Sect., 6 novembre 1936, Arrighi, Rec. p. 966
3) CE Ass. 20 octobre 1989, Nicolo*, p. 190
La loi, dans son rapport avec le droit administratif, peut être abordée sous trois angles distincts : son domaine (A), son contenu (B) et son contrôle (C).
A./ Le domaine de la loi
La détermination du domaine de la loi ou, pour le dire autrement, du champ de compétence matérielle du législateur a corrélativement un impact sur la détermination de la compétence du pouvoir réglementaire. La répartition des compétences portées par les articles 34 et 37 de la constitution concerne donc, comme les deux faces d’une même médaille, la loi et le règlement.
Rappelons par ailleurs que le pouvoir réglementaire autonome a existé avant l’entrée en vigueur de la constitution de 1958. Le chef de l’exécutif (à l’époque le Président de la République, aujourd’hui le Premier ministre) dispose du pouvoir de police administrative générale sur l’ensemble du territoire (1). Nous avons également vu que les ministres disposent un pouvoir réglementaire autonome destiné à l’organisation de leurs propres services (2).
(1) Conseil d’Etat Labonne du 8 août 1919, rec. p.737
(2) CE, Sect., 7 février 1936, Jamart
B./ Le contenu de la loi
C’est une question que nous avons vu en introduction sur les sources du droit administratif, mais que nous pouvons évoquer à nouveau : celle de la « nature » des dispositions législatives. Le terme de « loi administratives » ou de « lois d’administration » est passé de mode mais il exprimait, surtout au XIXème siècle, l’idée qu’il existe des domaines d’intervention de l’administration. La loi interviendrait dans des domaines spécifiques qui pourraient être rapportés au droit civil, au droit des assurances, au droit commercial, au droit bancaire d’une part, aux propriétés publiques, à l’urbanisme, à la commande publique d’autre part. Chaque juge aurait son ou ses codes et il existerait une séparation étanche entre les domaines.
Une telle vision n’est qu’en partie vraie. L’on sait que le juge administratif accepte d’appliquer le droit de la concurrence (1) et de manière ponctuelle le droit de la consommation (2).
1) Conseil d’État, 3 novembre 1997, Société Million et Marais
2) CE 11 juillet 2001, Société des eaux du Nord, n° 221458, à propos de l’application du droit des clauses abusives
Pour le reste nous renvoyons aux questions générales évoquées en leçon DA II n°1.
C./ Le contrôle de la loi
Peu après l’adoption de la Constitution de la Vème République, la question s’est posée de savoir si le pouvoir réglementaire autonome permettait de produire des normes ayant rang de loi. Le pouvoir « exécutif » en effet est initialement pensé pour exécuter la loi et le pouvoir réglementaire pour être une norme subordonnée. L’article 37 créait-il des normes qui, n’étant pas soumises à l’intervention préalable du législateur, remplaçait la loi dans la hiérarchie des normes ?
Le doute a été rapidement levé par une décision CE, Sect., 26 juin 1959, Syndicat général des ingénieurs-conseils, requête numéro 92099, rec. p. 394. Les actes réglementaires, même autonomes, ont un rang inférieur à celui de la loi et peuvent faire l’objet d’un contrôle par le juge administratif.
Le contrôle sur ces actes réglementaire se fait par le biais de l’ensemble des normes de rang supérieur, y compris la constitution.
Quant au contrôle de la loi nous l’avons vu à de nombreuses reprises, il est opéré par le juge administratif sur la base du droit international écrit et du droit de l’Union européenne.
Quant au contrôle de constitutionnalité de la loi, il s’opère de manière indirecte à travers le contrôle de QPC.
Il semble inutile ici de revenir sur ces éléments.