Les dispositions relatives aux engagements internationaux de la France se trouvent au titre VI de la Constitution.
Aux termes de l’article 53 :
Les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l’organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l’Etat, ceux qui modifient les dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l’état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’une loi.
Ils ne prennent effet qu’après avoir été ratifiés ou approuvés.
Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n’est valable sans le consentement des populations intéressées.
L’article 55 de la Constitution dispose :
Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie.
L’article 55 détermine le statut des traités internationaux dans l’ordre interne (ils ont une valeur supérieure à celle des lois) mais également les conditions de leur entrée en vigueur.
Cette entrée en vigueur fait l’objet d’un contrôle par le juge administratif, contrairement au contenu de la norme internationale qui n’est en principe pas suspcetible de faire l’objet d’un contrôle (v. cependant la procédure de l’article 54 C).
Le contrôle de l’entrée en vigueur ne concerne que les traités ou accords, et non les règles non-écrites du droit international qui font l’objet d’un traitement spécifique.
A titre liminaire, il convient de préciser ce que sont les accords ou traités dont il s’agit.
La pratique internationale utilise indifféremment les termes « accord », « charte », « convention », « pacte », « protocole » et « traité ». L’article 2.1.a de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités définit ainsi le terme « traité » :
L’expression « traité » s’entend d’un accord international conclu par écrit entre Etats et régi par le droit international, qu’il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes, et quelle que soit sa dénomination particulière;
Au sens de la Constitution française, il faut distinguer accords et traités ou accords solennels et accords en forme simplifiée.
Le « traité » est un accord de forme solenelle désigné par l’article 52 de la Constitution qui dispose :
Le Président de la République négocie et ratifie les traités.
Il est informé de toute négociation tendant à la conclusion d’un accord international non soumis à ratification.
Les « accords » visés à l’article 55 sont des accords en forme simple signés par le Ministre des affaires étrangères ou un autre ministre par délégation.
Ceci étant dit, l’article 55 énonce donc les conditions d’incorporation des traités internationaux dans l’ordre interne en posant les conditions suivants : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés (1) ont, dès leur publication (2), une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie (3).
1) Le contrôle de la procédure de ratification ou d’approbation
Le Conseil d’Etat a développé son contrôle sur la régularité de la procédure d’approbation ou de ratification d’un traité en plusieurs étapes.
S’il ne semble jamais avoir refusé de contrôle l’existence même de l’approbation ou de la la ratification, il a affirmé que le décret de ratification ne pouvait faire l’objet d’un contrôle en application de la théorie de l’acte de gouvernement (1). Il s’est ensuite implicitement limité à contrôler l’existence d’une ratification ou d’une approbation (2).
1) CE, 5 février 1926, Dame Caraco, req. n°83102 : Rec. p. 125.
Dans cette affaire le Conseil considère que si une convention passée le 22 janvier 1924 entre la France et la Tunisie et ratifiée par le Président de la République et le Bey de Tunis « se rattache aux pouvoirs du gouvernement en matière diplomatique » et ne peut dès lors être discutée devant le Conseil d‘Etat par la voie contentieuse. Cette position est constante et n’a pas été remise en cause depuis.
Concernant le décret de ratification qui était attaqué le Conseil énonce qu’il n‘est pas susceptible « à raison de sa nature d’être déféré au Conseil d‘Etat ».
2) CE Ass., 16 novembre 1956, requête numéro 25627, Villa : Rec. p. 433.
Le Conseil d’Etat, à propos d’une convention entre la France et l’Italie dont le sieur Villa entendait se prévaloir, énonce « qu’à la date à laquelle le sieur Villa a formulé sa demande de carte de commerçant étranger la Convention d’établissement signée par la France et l’Italie le 23 août 1951 n’était ni ratifiée ni publiée; que, par suite, elle n’était pas encore en vigueur et que le requérant n'[était] pas fondé à s’en prévaloir ».
Ce n’est qu’avec la décision Sarl du Parc d’activités de Blotzheim que le Conseil d’Etat accepte de contrôle non seulement l’existence de la ratification ou de l’approbation, mais sa régularité. En d’autres termes le Conseil d’Etat s’attache désormais à vérifier non pas l’exitence d’une approbation ou d’une ratification, mais que la forme de cette approbation ou ratification a été respectée. Ainsi, si un traité aurait dû faire l’objet d’une ratification par le législateur, l’absence d’une telle formalité rend illégal le décret de publication.
Il convient à cet égard de noter que c’est par le biais du décret de publication que le juge administratif peut saisir le processus. Il pourra être saisi par voie d’action (3) ou par voie d’exception (4). Dans ce dernier cas à l’occasion d’un contentieux, l’irrégularité de la procédure de ratification sera invoquée sans que le juge n’ait à utiliser le biais du contentieux du décret de publication.
3) CE Ass. 18 décembre 1998, Sarl du Parc d’activités de Blotzheim, p. 483.
Considérant qu’aux termes de l’article 53 de la Constitution : « Les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l’organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l’Etat, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l’état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’une loi … » ; qu’aux termes de l’article 55 de la Constitution : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie » ; qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions que les traités ou accords relevant de l’article 53 de la Constitution et dont la ratification ou l’approbation est intervenue sans avoir été autorisée par la loi, ne peuvent être regardés comme régulièrement ratifiés ou approuvés au sens de l’article 55 précité ; qu’eu égard aux effets qui lui sont attachés en droit interne, la publication d’un traité ou accord relevant de l’article 53 de la Constitution ne peut intervenir légalement que si la ratification ou l’approbation de ce traité ou accord a été autorisée en vertu d’une loi ; qu’il appartient au juge administratif de se prononcer sur le bien-fondé d’un moyen soulevé devant lui et tiré de la méconnaissance, par l’acte de publication d’un traité ou accord, des dispositions de l’article 53 de la Constitution ; que, par suite, contrairement à ce que soutient, à titre principal, le ministre des affaires étrangères, le moyen tiré par les sociétés requérantes de ce que le décret attaqué serait illégal au motif que l’approbation de l’accord qu’il publie n’a pas été autorisée par la loi n’est pas inopérant ;
Considérant qu’en vertu des stipulations de l’accord signé à Berne les 12 et 29 février 1996, lequel se réfère au 2 de l’article 2 de la convention franco-suisse du 4 juillet 1949 et à l’article 3 du cahier des charges précité, il incombe au Gouvernement français d’acquérir les terrains nécessaires à l’extension projetée de l’emprise de l’aéroport ; que, par suite, les sociétés soutiennent à bon droit que cet accord engage les finances de l’Etat au sens de l’article 53 de la Constitution ;
4) CE Ass. 5 mars 2003, M. Aggoun, requête numéro 242860; RFDA 2003.1214
Considérant qu’il résulte des dispositions précitées de la Constitution qu’il appartient au juge administratif, saisi d’un moyen en ce sens, de s’assurer qu’un traité ou accord a été régulièrement ratifié ou approuvé, non seulement lorsqu’un tel moyen est invoqué à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir directement formé à l’encontre du décret de publication qui en a permis l’introduction dans l’ordre juridique interne, mais aussi par voie d’exception, à l’occasion d’un litige mettant en cause l’application de cet engagement international, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que le décret de publication dont la légalité est ainsi nécessairement contestée n’a pas été attaqué dans le délai de recours contentieux ; que, par suite, à l’appui de sa contestation de la décision préfectorale du 13 septembre 2001 qui lui a refusé un titre de séjour au motif que l’article 9 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dans sa rédaction issue de l’avenant du 28 septembre 1994, subordonne la délivrance d’un certificat de résident à un ressortissant algérien à la présentation d’un passeport en cours de validité muni d’un visa de long séjour délivré par les autorités françaises, M. B…est, contrairement à ce que soutient le ministre des affaires étrangères, recevable à se prévaloir de ce que ni cet avenant, ni l’accord initial qu’il modifie n’auraient été régulièrement approuvés faute d’avoir fait l’objet d’une autorisation d’approbation par la loi ;
2) Le contrôle de la publication
Le contrôle de la publication est plus neutre et plus aisé à effectuer car il n’implique en principe aucune qualification juridique des faits. Le Conseil d’Etat a procédé assez tôt à un tel contrôle de la publication du Traité au journal officiel.
CE 13 juillet 1965, Société Navigator, p. 422
3) Le contrôle de la réciprocité de l’application
CE Ass. 9 avril 1999, Madame Chevrol Benkeddach p. 115
CEDH 13 février 2003, Chevrol
CE Ass. 9 juillet 2010, Madame Cheriet-Benseghir