« 1. – Toute étude du droit public en général et du droit constitutionnel en particulier engage et présuppose la notion de l’Etat. En effet, d’après la définition la plus répandue, il faut entendre par droit public le droit de l’Etat (Staatsrecht), c’est-à-dire le droit applicable à tous les rapports humains ou sociaux dans lesquels l’Etat entre directement en jeu. Quant au droit constitutionnel, c’est – ainsi que son nom l’indique – la partie du droit public qui comprend les règles ou institutions dont l’ensemble forme dans chaque milieu étatique la Constitution de l’Etat. On ne peut donc pas aborder l’étude du droit public ou de la Constitution de l’Etat sans être amené à se demander aussitôt quelle est l’idée qu’il convient se se faire de l’Etat lui-même ».

Carré de Malberg (Raymond), Contribution à la théorie générale de l’Etat, Sirey 1920, reprint CNRS 1962, Tome I, p. 1

L’État ne se laisse pas aisément saisir, bien qu’il représente aujourd’hui la forme politique universelle de concentration du pouvoir. Sur le globe terrestre, seule l’Antarctique échappe à toute souveraineté étatique.

Le droit international est le plus à même de nous fournir une définition de l’État. Puisque les États se reconnaissent entre eux, la définition du droit international est la meilleure : L’État est communément défini comme une collectivité qui se compose d’un territoire et d’une population soumis à un pouvoir politique organisé et se caractérise par sa souveraineté.

Ces trois éléments, le territoire ceint de frontières, la population et la souveraineté sont les trois éléments constitutifs de l’Etat.

Quant à la reconnaissance par les autres Etats, elle a des effets purement déclaratifs. L’existence ou la disparition de l’Etat est une question de fait (v. Denis Alland, Manuel de droit international public, PUF, 2014 p. 38).

Pour aller plus loin :

Cassese (Sabino), « Stato in trasformazione », Rivista trimestrale di diritto pubblico, 2016 n° 2 pp. 331-346.

A./ La population

Sans population il ne peut y avoir d’Etat.

Notons que la présence de la population n’est pas nécessaire sur l’ensemble des terres émergées de l’Etat (cas des îles Kerguelen).

La population n’est pas non plus constituée de toutes les personnes vivant sur le territoire d’un Etat ; à l’inverse la population n’a  pas à vivre toute entière sur le territoire de l’Etat.

La population d’un Etat est composée de l’ensemble des « nationaux », qu’ils soient installés sur le territoire ou non.

La nationalité est une allégence personnelle de l’individu envers l’État national : elle fonde la compétence personnelle de l’État qui l’autorise à exercer certains pouvoirs sur ses nationaux.

L’existence d’une population est suffisante.

L’existence d’une nation n’est pas toujours nécessaire.

Exemple : Etats plurinationaux comme la Chine ou la Russie.

Dans la théorie française de l’Etat cependant, l’Etat se confond avec la Nation.

Selon Raymond Carré de Malberg (Contribution à la théorie générale de l’Etat, Paris, Sirey, 1920, tome 1 ; reprint CNRS, 1962, p. 2), « la nation, c’est […] l’ensemble d’homme et de populations concourant à former un Etat et qui sont la substance humaine de l’Etat ».

Question de la nationalité : théorie subjectiviste (suffit que les individus composant la nation aient la volonté de vivre ensemble) et théorie objectiviste (il existerait des éléments objectifs tels que l’histoire, la langue, l’éthnie).

Ernest RENAN 1881 « Qu’est ce que la Nation » ?

Sur la construction intellectuelle des fictions nationales à partir du XVIII siècle : Gisèle Sapiro, « A.-M. Thiesse, La création des identités nationales », Politix. Vol. 12, N°48. Quatrième trimestre 1999. pp. 187-190.

Principe des nationalités : tous les individus qui appartiennent à une même nation ont le droit de se regrouper au sein du même État.

Tentative d’approche des notions de : peuple (Volk), nation (Nation), population (Bevölkerung), citoyen (Staatsbürger).

Le principe d’unité de l’Etat français repose sur plusieurs notions qui semblent intrinsèquement liées.

L’Etat détient la légitimité de ses pouvoirs de la Nation. Comme la définition de Carré de Malberg l’a montré, la Nation est composée de l’ensemble des citoyens, qui composent la population de l’Etat.

Mais la notion de population peut être ambigüe, en ce qu’elle ne désigne pas toujours les citoyens, mais les personnes vivant sur le territoire d’un Etat. Au terme population, plus statistique que juridique, nous préfèrerons celui de citoyens.

La Nation est elle-même composée de l’ensemble du Peuple français, des citoyens français.

C’est le Peuple, par son unicité culturelle et historique, qui donne à la Nation sa réalité.

L’unicité du Peuple français est reconnue constitutionnellement.

CC, Décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991, Loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse

« 10. Considérant que l’article 1er de la loi est ainsi rédigé : « La République française garantit à la communauté historique et culturelle vivante que constitue le peuple corse, composante du peuple français, les droits à la préservation de son identité culturelle et à la défense de ses intérêts économiques et sociaux spécifiques. Ces droits liés à l’insularité s’exercent dans le respect de l’unité nationale, dans le cadre de la Constitution, des lois de la République et du présent statut. » ;

11. Considérant que cet article est critiqué en ce qu’il consacre juridiquement l’existence au sein du peuple français d’une composante « le peuple corse » ; qu’il est soutenu par les auteurs de la première saisine que cette reconnaissance n’est conforme ni au préambule de la Constitution de 1958 qui postule l’unicité du « peuple français », ni à son article 2 qui consacre l’indivisibilité de la République, ni à son article 3 qui désigne le peuple comme seul détenteur de la souveraineté nationale ; qu’au demeurant, l’article 53 de la Constitution se réfère aux « populations intéressées » d’un territoire et non pas au concept de peuple ; que les sénateurs auteurs de la troisième saisine font valoir qu’il résulte des dispositions de la Déclaration des droits de 1789, de plusieurs alinéas du préambule de la Constitution de 1946, de la loi constitutionnelle du 3 juin 1958, du préambule de la Constitution de 1958 comme de ses articles 2, 3 et 91, que l’expression « le peuple », lorsqu’elle s’applique au peuple français, doit être considérée comme une catégorie unitaire insusceptible de toute subdivision en vertu de la loi ;

12. Considérant qu’aux termes du premier alinéa du préambule de la Constitution de 1958 « le peuple français proclame solennellement son attachement aux droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946 » ; que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen à laquelle il est ainsi fait référence émanait des représentants « du peuple français » ; que le préambule de la Constitution de 1946, réaffirmé par le préambule de la Constitution de 1958, énonce que « le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés » ; que la Constitution de 1958 distingue le peuple français des peuples d’outre-mer auxquels est reconnu le droit à la libre détermination ; que la référence faite au « peuple français » figure d’ailleurs depuis deux siècles dans de nombreux textes constitutionnels ; qu’ainsi le concept juridique de « peuple français » a valeur constitutionnelle ;

13. Considérant que la France est, ainsi que le proclame l’article 2 de la Constitution de 1958, une République indivisible, laïque, démocratique et sociale qui assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens quelle que soit leur origine ; que dès lors la mention faite par le législateur du « peuple corse, composante du peuple français » est contraire à la Constitution, laquelle ne connaît que le peuple français, composé de tous les citoyens français sans distinction d’origine, de race ou de religion ; »

B./ Le territoire

Barberis Julio. Les liens juridiques entre l’Etat et son territoire : perspectives théoriques et évolution du droit international. In: Annuaire français de droit international, volume 45, 1999. pp. 132-147.

DOI : https://doi.org/10.3406/afdi.1999.3556

www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1999_num_45_1_3556

Théorie du territoire-objet : rapport de propriété entre l’Etat et son territoire (Lauterpacht, Laband).

Territoire-limite (Michoud Duguit)

C./ La souveraineté

Bibliographie

BODIN (Jean), Les six livres de la République, 1576.

CHANTEUR (Janine), « La loi naturelle et la souveraineté chez Jean Bodin » In: Théologie et droit dans la science politique de l’État moderne. Actes de la table ronde de Rome (12-14 novembre 1987). Rome : École Française de Rome, 1991. pp. 283-294. (Publications de l’École française de Rome, 147) [LIEN]

Compétence de la compétence

  • Souveraineté extérieure
  • Souveraineté intérieure