Il est évidemment exclu d’évoquer ici l’ensemble des règles constitutionnelles et internationales que doivent respecter les lois adoptées par le Parlement. Il est cependant possible d’identifier des trais communs qui s’imposent à la loi quel qu’en soit le contenu. La loi doit respecter le principe d’égalité (déjà examiné), le principe d’intelligibilité (1), le principe de non rétroactivité  (2) et le principe de normativité (3). 

§1./ Le principe d’intelligibilité

La question de la langue française dans son lien avec l’accès au droit a déjà été examinée. En application de la loi du 4 août 1994 les contrats signés par des personnes publiques ou des personnes privées chargées de la gestion d’un service public doivent être rédigés en langue française ; lorsque l’une des parties est étrangère, plusieurs versions linguistiques sont possibles en plus du français, chaque version linguistique faisant foi (Loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, article 5).

La question de l’accessibilité et de l’intelligibilité de la loi s’est par ailleurs posée avec une particulière acuité à propos des textes de langue allemande applicables en Alsace-Moselle. Cette question a reçu un traitement particulier (sur le droit d’Alsace-Moselle, v. infra).

L’intelligibilité et l’accessibilité de la loi constituent un objectif de valeur constitutionnelle qui ne concernent pas spécifiquement l’usage de la langue française mais qui ont une influence sur la qualité rédactionnelle des lois et règlements.

L’objectif d’intelligibilité  et d’accessibilité, fondé sur les articles 4, 5, 6 et 16 de la DDHC impose au législateur d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ((CC, 29 avril 2004, décision 2004-494 DC, Loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, cons. 10.)). En effet l’égalité devant la loi (art. 6 DDHC) et la garantie des droits (art. 16 DDHC) pourraient ne pas être effectives « si les citoyens ne disposaient pas d’une connaissance suffisante des normes qui leur sont applicables ; […] une telle connaissance est en outre nécessaire à l’exercice des droits et libertés garantis tant par l’article 4 de la Déclaration, en vertu duquel cet exercice n’a de bornes que celles déterminées par la loi, que par son article 5, aux termes duquel ‘tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas’ » ((CC 16 décembre 1999, décision n° 99-421 DC, cons. 13.)).

La question spécifique du droit d’Alsace-Moselle.

Le Conseil constitutionnel a par ailleurs été amené à examiner la question de la langue des textes applicables. De nombreux textes en effet, rédigés en langue allemande, ont continué de s’appliquer en Alsace-Moselle sans qu’il n’en existe de traduction officielle. Tel est le cas du « code des professions » adopté par une loi d’Empire du 26 juillet 1900, et maintenu en vigueur en Alsace et en Moselle par des lois du 1er juin 1924 en matière civile et commerciale. Dans une décision n° 2012-285 QPC du 30 novembre 2012, le Conseil constitutionnel a précisé que l’absence de traduction officielle portait atteinte à l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi. Mais des dispositions non-traduites ne peuvent être déclarée inconstitutionnelles que si elles portent atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Et les textes s’appliquent tant qu’elles n’ont pas été abrogées par le Conseil constitutionnel. Cependant, eu égard au caractère très général de l’analyse du Conseil et à la menace qui pesait sur tous les textes de la période allemande, le Gouvernement a assuré la publication de la traduction des lois et règlements locaux maintenus en vigueur par les lois du 1er juin 1924 dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle par deux décrets n° 2013-395 du 14 mai 2013 et n° 2013-776 du 27 août 2013.

Malgré l’absence de déclaration générale d’inconstitutionnalité des textes non-traduits, l’absence de traduction officielle peut poser de sérieuses difficultés. C’est ce qu’illustre une intéressante décision de la Cour administrative d’appel de Nancy (9 juillet 2020, n° 18NC01505). Dans cette affaire était en cause un refus d’autorisation de recruter un enseignant d’école privée, sur le fondement de l’ordonnance du Chancelier de l’Empire du 10 juillet 1873 qui n’avait pas été traduite par les décrets n° 2013-395 du 14 mai 2013 et n° 2013-776 du 27 août 2013 précités. La Cour considère en premier lieu que l’absence de traduction de l’ordonnance du 10 juillet 1873 n’entraîne pas l’inapplicabilité du texte, la traduction en français n’était ni exigée par les lois du 1er juin 1924, ni imposées par le Conseil constitutionnel. Mais en second lieu la Cour constate que si une traduction de l’ordonnance de 1873 existe et qu’elle est accessible sur le site de la Bibliothèque nationale de France dans sa version publiée en 1918, cela ne garantit pas que le texte soit considérée comme accessible. Les dispositions en cause violent donc l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité de la norme, alors que l’article 2 de la Constitution dispose que la langue de la République est le français.

§2./ La non-rétroactivité

Contrairement aux actes administratifs (v. infra), les lois peuvent avoir un caractère rétroactif. Si l’article 2 du code civil établit que « la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif », cette disposition n’a elle-même qu’un caractère législatif et n’a jamais été élevée au rang constitutionnel. Il est donc loisible au législateur d’adopter des lois rétroactives mais cette possibilité fait l’objet d’un encadrement.

En premier lieu, la Cour de cassation déduit de l’article 2 du code civil un principe de non-rétroactivité selon lequel « la loi nouvelle ne s’applique pas, sauf rétroactivité expressément décidée par le législateur, aux actes juridiques conclus antérieurement à son entrée en vigueur » ((Cass. 1re Civ., 9 décembre 2009, n° 08-20.570, Bull. 2009, I, n° 242.)).

En matière pénale, le principe de non-rétroactivité a valeur constitutionnelle puisqu’il est déduit de l’article 8 DDHC aux termes duquel « nul ne peut être puni qu’en vertu d’une Loi établie et promulguée antérieurement au délit » ((CC, 3 septembre 1986, décision n° 86-215 DC, Loi relative à la lutte contre la criminalité et la délinquance concernant la période de sûreté, cons. 23 ; CC, 22 janvier 1999, décision n° 98-408 DC, Traité portant statut de la Cour pénale internationale, cons. 23.)).

En dehors de la matière pénale, la rétroactivité de la loi si elle n’a jamais été interdite, est limitée par une jurisprudence relativement complexe, principalement développée en matière fiscale. Dans ce domaine en effet la rétroactivité de la loi ne peut être justifiée que par l’exigence d’un intérêt général suffisant ((CC 18 décembre 1998, décision n° 98-404 DC, Rec. p. 315. Bertrand Mathieu, « Rétroactivité des lois fiscales et sécurité juridique : l’application concrète d’un principe implicite », RFDA 1999, p. 89.)).

§3./ L’obligation de normativité de la loi

Ce n’est que récemment que le Conseil constitutionnel a tiré de l’article 6 DDHC le principe de normativité de la loi. Dans une décision n° 2005-512 DC du 21 avril 2005, Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école le Conseil constitutionnel a posé pour la première fois que qu’il résultait de l’article 6 de la Déclaration selon lequel la loi est l’expression de la volonté générale que la loi avait pour vocation d’énoncer des règles et devait par suite être revêtue d’une portée normative. Les dispositions législatives non normatives sont contraires à la Constitution.

L’inconstitutionnalité des lois non-normatives pose essentiellement question en ce qui concerne les lois dites « mémorielles », qui sont adoptées pour reconnaître l’existence d’un événement historique, comme le génocide arménien de 1915 ((Loi n° 2001-70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915.)). C’est pour permettre au Parlement d’exprimer une opinion sans encourir la censure des lois non-normatives que la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 a introduit un article 34-1 C. dont l’alinéa 1er dispose que « les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par la loi organique ».