§1. L’Etat unitaire : l’exemple de la France

Le caractère indivisible de la République est inscrit à l’article 1er alinéa 1 de la constitution française : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée ».

Derrière cette formule est exprimé un principe d’organisation de l’Etat, qui n’est d’ailleurs pas propre à la République.  La France est indivisible. C’est donc un Etat unitaire.

Par sa position dans le texte constitutionnel mais également par toutes ses expressions l’indivisibilité de la République apparaît comme le principe majeur du droit public français.

L’Unité de la République est proclamée dès la chute de la royauté par la Convention Nationale, le 25 septembre 1792. L’unité et l’indivisibilité de la souveraineté, appartenant au peuple, est sont rappelées à l’article 25 de la déclaration des droits de 1793.  Indivisible, la République l’est encore aux termes l’article 1er de la constitution de 1793, tout comme l’est le corps législatif (article 39).

L’indivisibilité de la République est encore proclamée au II du préambule de la constitution du 4 novembre 1848.

Lorsqu’elle n’apparaît pas, l’unité et l’indivisibilité de l’Etat sont implicites, mais découlent nécessairement de l’organisation du pouvoir et du territoire.

Par exemple, appelé à engager la responsabilité d’une université en raison d’une faute commise par un conseil de discipline, le Conseil d’Etat rend responsable l’Etat français car « la justice est rendue de façon indivisible au nom de l’Etat » (CE, 27 février 2004, Madame Popin, req. n° 217257).

Le principe d’unité de l’Etat connaît de nombreuses expressions (A) et d’inévitables dérogations (B).

A./ Les expressions du principe d’unité de l’Etat

Les expressions du principe d’unité de l’Etat sont multiples.  On les trouve dans l’unité du peuple et de la nation (1), l’unité du territoire (2), et de manière diffuse à travers le principe d’égalité (3).

1. L’unité du peuple français et l’unité de la nation

L’unité de l’Etat est assise sur le principe théorique de l’unité du peuple français. Ainsi, une loi qui reconnaissait le « peuple corse » comme « composante du peuple français » a été déclarée contraire à la constitution. Le Conseil constitutionnel remarque que les différents textes constitutionnels font référence au seul peuple français. Par ailleurs la constitution de 1958 distingue le peuple français des peuples d’outre-mer auxquels est reconnu le droit à la libre détermination. La constitution ne connaissant que le peuple français, composé de tous les citoyens français sans distinction d’origine, de race ou de religion, aucune composante particulière ne peut être reconnue en son sein (Conseil constitutionnel, Décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991, Loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse).

L’unité de l’Etat s’assoit aussi sur l’unité de la nation, l’une des notions fondamentales de la théorie constitutionnelle française. Il est nécessaire à cet égard de distinguer le peuple et la nation. Le terme « nation », qui est polysémique, renvoie à la « nationalité », autre manière de désigner la citoyenneté. Le terme nation renvoie aussi dans l’histoire politique et constitutionnelle française au corps intermédiaire, détenteur de la souveraineté (appelée « souveraineté nationale ») qui l’exerçait par ses représentants. Si la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est rédigée par « Die Vertreter des französischen Volkes, konstituiert als Nationalversammlung », l’article 3 de cette même déclaration énonce que « 3. Der Ursprung aller Souveränität liegt wesenhaft in der Nation. Keine Körperschaft und kein einzelner darf eine Gewalt ausüben, die nicht ausdrücklich von ihr ausgeht  ». La nation sert durant la Révolution française trois objets principaux. Le premier est de créer une entité juridique titulaire de la souveraineté, afin de conférer à ses représentants la légitimité de l’exercice du pouvoir. C’est un projet anti-monarchique. Le deuxième est d’assurer l’unité du corps social, en réaction à l’Ancien régime qui reconnaissait des formes multiples de pouvoirs et de corps sociaux fermés les uns aux autres. Le troisième moins avouable est de conserver à la classe bourgeoise l’exercice légitime du pouvoir puisque le suffrage était censitaire (réservé à ceux qui payaient l’impôt). Les élus représentent la nation et ils sont désignés par des électeurs qui exercent une fonction sociale et non un droit.

Le peuple et la nation n’ont jamais en France reçu de sens ethnique. L’écrivain et historien Ernest Renan a prononcé un célèbre discours en 1882, « Qu’est-ce qu’une Nation ? » dans lequel il résume l’approche française de la question et l’oppose à l’approche allemande, de manière probablement caricaturale. Il est en tout cas classique d’opposer l’approche contractualiste de Renan et les Reden an die deutsche Nation de Johann Gottlieb Fichte malgré leur écart temporel. Renan expose dans son discours que l’appartenance à la nation française se fait à travers une volonté commune d’appartenance. Pour Renan « une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis ». Les organes de l’Etat entretiennent en tout cas, de manière plus ou moins directe, les patrimoine historique et symbolique de la nation française. Nous ne saurions trop conseiller à cet égard la lecture des trois volumes de l’ouvrage collectif dirigé par l’historien Pierre Nora, Les lieux de mémoire (Tome 1 : La République. Tome 2 : La Nation. Tome 3 : Les Frances).

La conséquence de ce détachement des notions de peuple et de nation à la communauté ethnique s’exprime bien dans la permanence en France de l’acquisition de la nationalité (ou citoyenneté) par le droit du sol. On en trouve même l’expression ultime dans le projet de constitution du 24 juin 1793 (qui n’est jamais entré en vigueur) dont l’article 4 prévoyait que devenait citoyen français « Tout étranger âgé de vingt et un ans accomplis, qui, domicilié en France depuis une année – Y vit de son travail – Ou acquiert une propriété – Ou épouse une Française – Ou adopte un enfant – Ou nourrit un vieillard ».

Bien entendu le droit français de la nationalité est un mélange entre le droit du sol et le droit du sang. On observe en tout cas, depuis le milieu des années 1980, le renforcement d’une approche volontariste. Selon une ordonnance du 19 octobre 1945, modifiée par une loi n° 73-42 du 9 janvier 1973 (complétant et modifiant le code de la nationalité française et relative à certaines dispositions concernant la nationalité française), la nationalité française se transmet par la filiation paternelle ou maternelle, légitime ou naturelle. Elle peut aussi résulter de la naissance en France. Premièrement un enfant est reconnu français dès la naissance si l’un de ses parents est lui-même né en France (double droit du sol). Deuxièmement un enfant né en France de parents nés à l’étranger est reconnu français à sa majorité. Une loi du 22 juillet 1993 a ensuite réformé le droit de la nationalité. Les enfants nés en France de parents étrangers doivent désormais demander la nationalité française entre 16 et 21 ans. Cette manifestation de volonté devient une condition nécessaire à l’acquisition de la nationalité française. De plus, l’article 21-24 du code civil dispose désormais que « Nul ne peut être naturalisé s’il ne justifie de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française ». On l’aura compris cette condition posée par un parlement de droite est devenue un enjeu politique. L’obligation de déclaration de volonté a été supprimée par un parlement de gauche par la loi n° 98-170 du 16 mars 1998 relative à la nationalité ; mais l’article 21-24 du code civil a été maintenu. Par un jeu de balancier un parlement de droite a renforcé les conditions pour acquérir la nationalité française. Ces conditions ont encore été alourdies par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2001 qui ajoute à l’article 21-24 du code civil la condition d’une connaissance de « l’histoire, de la culture et de la société françaises » et une « adhésion aux principes et aux valeurs essentiels de la République ». Le contenu de ces valeurs est établi par une « charte des droits et devoirs du citoyen français » dont le contenu a été approuvé par le décret n° 2012-127 du 30 janvier 2012.

Nous ne pouvons ici détailler l’ensemble des règles relatives à l’acquisition de la nationalité française et renvoyons pour cela à la lecture des articles 21 à 33-2 du code civil.

2. L’unité du territoire

Le territoire français peut être distingué entre le territoire métropolitain (Corse comprise) et l’outre-mer qui bénéficie d’un régime juridique particulier (v. infra). L’Etat français, très centralisé, reconnaît des centres de compétence administrative à assise territoriale : les collectivités territoriales qui étaient avant 2003 appelées « collectivités locales » (a). C’est également au niveau de ces collectivités que l’Etat tente d’organiser ses services, par le processus de la déconcentration (b). Mais l’évolution de l’organisation de l’Etat passe depuis bientôt quarante ans par un autre processus, la décentralisation qui consiste non pas à organiser les services de l’Etat au niveau local mais de confier des fonctions nouvelles aux collectivités territoriales elles-mêmes (c).

a) Les collectivités territoriales

Une collectivité territoriales est une personne publique dont les instances sont désignées par la voie d’une élection et qui disposent d’une compétence réglementaire pour exercer les fonctions qui leur sont confiées ou permises par le législateur (article 72 de la Constitution). La Constitution prévoit trois formes de collectivités territoriales : la commune, le département, la région. Les dispositions de la Constitution sont complétées par le Code général des collectivités territoriales.

La commune

La commune, collectivité territoriale de base, est à la fois une création de la Révolution française et l’héritage d’une histoire plus ancienne. Au moment de créer un cadre administratif nouveau, l’Assemblée nationale a décidé de s’appuyer sur les divisions administratives existantes, de forme et de statut divers. La Loi du 22 décembre 1789 relative à la constitution des assemblées primaires et des assemblées administratives établit en son article 7 qu’il « y aura une municipalité en chaque ville, bourg, paroisse ou communauté de campagne ». Cette volonté de s’adapter aux divisions existantes et en même temps de créer une division administrative unique sur l’ensemble du territoire explique le nombre excessif (plus de 36.000, récemment réduit à un peu plus de 35.000) et la taille très diversifiée des communes en France.

La commune bénéficie d’une « clause générale de compétence » qui lui permet d’exercer toute compétence utile à la population locale dans les limites déterminées par la Constitution et la loi.

L’organe délibérant d’une commune est le conseil municipal désigné tous les six ans par la voie d’une élection au scrutin de liste proportionnel à deux tours. Une prime majoritaire permet de constituer des majorités municipales stables. Un « maire » exerce des compétences exécutives propres, celles qui lui sont déléguées par le conseil municipal ou celles qui consistent à exécuter les délibérations du conseil.

Parmi ses compétences propres, le maire exerce des pouvoirs de police administrative générale. Aux termes de l’article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), « le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l’Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l’exécution des actes de l’Etat qui y sont relatifs ». La police municipale « a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques » (art. L. 2212-2 CGCT). Nous renvoyons aux développements consacrés à la police administrative pour de plus amples développements.

Le maire est également l’organe exécutif des délibérations du conseil municipal : il met en œuvre les décisions de l’assemblée délibérante au moyen de ses fonctions administratives et des services de la commune (art. L. 2122-21 CGCT).

Le maire est en outre, au nom de l’Etat, chargé de l’état civil (art. L2122-32 CGCT). Le maire est à ce titre chargé de gérer le registre des naissances, des décès et de célébrer les mariages. Il est soumis dans l’exercice de cette compétence au contrôle du juge judiciaire.

Le maire est enfin Officier de police judiciaire (art. L. 2122-31 CGCT). Le maire peut à ce titre constater des faits constitutifs d’une infraction pénale, comme cela est le cas pour l’installation irrégulière d’un ouvrage ou une atteinte à l’environnement par exemple.

Le maire est aidé par des adjoints qui disposent de délégations de compétences.

Le département

Le département a été comme la commune créé à la Révolution française (loi de l’Assemblée nationale constituante du 22 décembre 1789). Il constitue une collectivité territoriale et ses frontières délimitent également la principale circonscription territoriale pour l’exercice des compétences de l’Etat. Chaque préfet (v. infra) exerce en effet ses compétences sur le territoire d’un département. Au nombre de 130 durant le Premier empire, les départements sont aujourd’hui au nombre de 100. Les départements sont administrés par des conseils départementaux (auparavant appelés « conseils généraux ») et le chef de l’exécutif départemental est le président du conseil départemental.

Les conseillers départementaux sont élus pour six ans. Le Conseil départemental se renouvelle intégralement. Il est composé de binômes de conseillers (un homme, une femme) élus au sein de circonscriptions électorales appelées cantons, subdivisions du département. Le scrutin est majoritaire, binominal à deux tours.

Les compétences du département sont pour l’essentiel : l’action sociale (enfance, personnes handicapées, personnes âgées, revenu de solidarité active), les infrastructures (ports, aérodromes, routes départementales), la gestion des collèges, aide aux communes.

La région

La création des régions est beaucoup plus récente que celle des communes et des départements. Les régions sont apparues comme simples établissements publics par l’effet de la loi n°72-619 du 5 juillet 1972 portant création et organisation des régions. Les régions ne deviennent des collectivités territoriales qu’à partir de l’entrée en vigueur de la loi du 2 mars 1982, première grande loi de décentralisation (v. cette notion infra). La région a très longtemps été une collectivité territoriale d’importance secondaire, dont la compétence était limitée à une partie du développement économique, à la formation professionnelle et à la construction et l’entretien des lycées. Par l’effet de réformes successives, les régions ont pris une importance considérable pendant que les départements étaient progressivement privés d’une partie de leurs attributions.

Le nombre de régions est passé de vingt-deux à treize par l’effet de la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015. La liste des treize régions françaises, établie à l’article L. 4111-1 CGCT, est la suivante. Le nom indiqué à cet article de valeur législative est le « nom de naissance » donné par le législateur. Chaque Région e ensuite eu la possibilité de demander un nouveau nom, qui est modifié par décret en Conseil d’Etat (article L. 4121-1 CGCT). Nous indiquons ci-dessous le nom actuel des régions puis, entre parenthèse, leur nom tel qu’indiqué initialement dans le Code général des collectivités territoriales, pour enfin entre crochets le nom du chef-lieu.

  • Grand Est (Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine) [Strasbourg]
  • Nouvelle Aquitaine (Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes) [Bordeaux]
  • Auvergne-Rhône-Alpes (Auvergne et Rhône-Alpes) [Lyon]
  • Bourgogne-Franche-Comté (Bourgogne et Franche-Comté) [Dijon]
  • Bretagne (Bretagne) [Rennes]
  • Centre-Val de Loire (Centre) [Orléans]
  • Ile-de-France (Ile-de-France) [Paris]
  • Occitanie (Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées) [Toulouse]
  • Hauts-de-France (Nord – Pas-de-Calais et Picardie) [Lille]
  • Normandie (Basse-Normandie et Haute-Normandie) [Rouen]
  • Pays de la Loire (Pays de la Loire) [Nantes]
  • Provence-Alpes-Côte d’Azur (Provence-Alpes-Côte d’Azur) [Marseille]

Après ce regroupement souvent très mal vécu par la population, les régions ont bénéficié de nouvelles compétences, principalement au détriment des départements, depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2015-991 du 7 août 1995 sur la Nouvelle Organisation territoriale de la République (NOTRe). Aux termes de l’article L. 4221-1 CGCT alinéa 2 le conseil régional « […] a compétence pour promouvoir le développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique de la région, le soutien à l’accès au logement et à l’amélioration de l’habitat, le soutien à la politique de la ville et à la rénovation urbaine et le soutien aux politiques d’éducation et l’aménagement et l’égalité de ses territoires, ainsi que pour assurer la préservation de son identité et la promotion des langues régionales […] ».

La coopération intercommunale

L’une des réponses apportées à l’émiettement communal est depuis longtemps la coopération intercommunale ou intercommunalité. L’intercommunalité désigne une forme de coopération entre communes leur permettant de gérer en commun des services publics locaux (ramassage des ordures ménagères, transport en commun, équipements sportifs, etc.). La coopération s’opère au moyen de personnes morales de droit public auxquelles des compétences, des biens et équipements et un budget sont transférés. Ces structures s’appellent des Etablissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

Aux termes de l’article L. 5210-1-1 A du Code général des collectivités territoriales, « forment la catégorie des établissements publics de coopération intercommunale les syndicats de communes, les communautés de communes, les communautés urbaines, les communautés d’agglomération et les métropoles ».

Les formes les moins abouties d’EPCI reçoivent un budget versé par leurs communes membres. Les formes les plus intégrées ont une fiscalité propre.

Les EPCI à fiscalité propre sont la communauté de communes, la communauté d’agglomération, la communauté urbaine et la métropole.

Les EPCI à fiscalité propre, outre une forme d’autonomie fiscale, une intégration plus poussée et une liste de compétences obligatoires plus grande, se distinguent par le fait que les membres de l’organe délibérant soient désignés par une élection au suffrage universel direct, en même temps que l’élection des membres des conseils municipaux des communes. Aux termes de l’article L. 5211-6 du code général des collectivités territoriales, « les métropoles, communautés urbaines, communautés d’agglomération et communautés de communes sont administrées par un organe délibérant composé de représentants des communes membres désignés dans les conditions prévues au titre V du livre Ier du code électoral ». Les modalités d’élection, relativement diversifiées, sont fixées par les articles L. 273-1 et suivants du code électoral.

b) La déconcentration

Les termes déconcentration et décentralisation doivent être soigneusement distingués. La déconcentration est un mouvement consistant pour l’Etat à organiser ses services au niveau des collectivités territoriales. C’est donc une forme d’organisation de l’administration de l’Etat central. Les principes et les modalités de la déconcentration sont établis par le décret n° 2015-510 du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration.

Il ressort de ce décret, qui reprend en substance les textes antérieurs, que l’administration déconcentrée de l’Etat est essentiellement organisée suivant les mêmes découpages que les collectivités territoriales : région, département, arrondissement. Bien entendu il est exclu que l’Etat organise ses services selon le découpage communal qui est caractérisé comme nous l’avons vu supra en une multitude d’entités parfois extrêmement petites. L’arrondissement, dont le chef-lieu est appelé « sous-préfecture » est la division territoriale de base de l’administration déconcentrée de l’Etat (décret n° 2015-510 du 7 mai 2015, art. 7).

Ce même décret évoque également le rôle du préfet, qui est une institution ancienne et autrefois très puissante. L’article 72 alinéa 6 de la Constitution définit ainsi le préfet : « Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l’État, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ». Ces dispositions sont complétées par l’article 34 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions et par le décret n°2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets. Il ressort de l’article 1er de ce décret de 2004 que « Le préfet de région dans la région, le préfet de département dans le département, est dépositaire de l’autorité de l’Etat ». Les préfets sont chargés des intérêts nationaux et du respect des lois. Ils représentent le Premier ministre et chacun des ministres. Ils dirigent les services déconcentrés des administrations civiles de l’Etat.

L’institution du préfet, qui a perdu beaucoup de ses pouvoirs par l’effet de la décentralisation dont nous parlerons infra, a été créée par le premier consul Napoléon Bonaparte par une loi du 17 février 1800 (28 pluviôse an VIII). Il a pendant près de deux siècles été le bras armé de l’Etat au niveau local et était chargé à la fois de diriger les services déconcentrés de l’Etat et de contrôler les actes émis par les collectivités territoriales. C’était le symbole du centralisme français. Ses pouvoirs ont très largement été réduits par la première grande loi de décentralisation, n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions.

c./ La décentralisation

La décentralisation consiste à confier à des collectivités territoriales autres que l’Etat, que l’on peut qualifier de collectivités territoriales secondaires (régions, départements, communes) une compétence d’auto-administration. Les collectivités territoriales sont des personnes morales à base territoriale, dont les organes délibérants sont élus par la population. L’article 72 alinéa 3 de la Constitution dispose que « dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences ». Le principe de la décentralisation est désormais inscrit à l’article 1er de la constitution dont l’alinéa 1er quatrième phrase dispose à propos de la République (et donc de l’Etat) que « Son organisation est décentralisée ». Cette décentralisation est un processus très progressif, qui ne remet pas en cause le caractère très centralisé de l’Etat français.

Le terme « décentralisation » composé du « dé » privatif et de « centralisation », action de réunir dans un même centre, a été créé pour désigner le processus politique visant à transférer une partie des compétences de l’Etat (dont toutes les institutions étaient situées à Paris) vers la périphérie, c’est-à-dire les collectivités territoriales, que l’on désigne parfois comme la « province ». Le centralisme français ne date pas de la Révolution française puisqu’il découle fondamentalement de la nécessaire unité de l’Etat, mais il a été renforcé par la Révolution. La République, l’Empire comme la Monarchie ont fondé leur contrôle du territoire français sur le principe du centralisme que l’on appelle, depuis la Révolution français, le « jacobinisme ». Le jacobinisme est une doctrine politique qui défend la souveraineté populaire et l’indivisibilité de la République française. Il tient son nom du « club des Jacobins », groupe politique dont les membres s’étaient établis pendant la Révolution française dans l’ancien couvent des Jacobins à Paris.

Durant plus de deux siècles, les communes ont exercé des compétences administratives strictement encadrées. Elles étaient soumises à la tutelle du préfet de département ce qui signifie que leurs actes n’avaient force exécutoire qu’avec son accord.

Pendant deux siècles, le régime juridique des communes a peu évolué. Il a principalement été marqué par l’adoption de la « grande loi municipale » du 5 avril 1884. L’apport principal de cette loi est la création d’un régime juridique commun à toutes les communes, hors Paris. Chaque commune dispose d’un organe délibérant, le conseil municipal, qui adopte des délibérations. Elle dispose d’un organe exécutif, le maire, chargé de l’application des décisions du conseil municipal. Le maire est en outre chargé de la police municipale et représentant de l’Etat. C’est dans cet état que se trouvait le système lorsqu’il a été profondément réformé par la loi du 2 mars 1982.

La première décentralisation

La réforme que l’on a appelé la « première décentralisation » a été portée par le gouvernement socialiste arrivé au pouvoir suite à l’élection du Président de la République de François Mitterrand. Mais il est juste de remarquer que le mouvement de décentralisation dépasse largement les clivages partisans. La « deuxième décentralisation » a été portée par un gouvernement de droite.

La loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions est le texte le plus important en matière d’organisation territoriale de la République depuis la Révolution française. Elle met fin à la tutelle des préfets. Nous l’avons vu supra, depuis la Révolution française les actes administratifs des communes n’étaient exécutoires qu’après qu’ils aient été transmis au préfet et qu’il en ait exercé le contrôle. Désormais, le contrôle du préfet est dit a posteriori. La plupart des actes ne sont exécutoires qu’après avoir été transmis au préfet mais ce dernier ne peut s’opposer à leur entrée en vigueur. Il ne peut qu’exercer un contrôle administratif et saisir le juge administratif par le moyen d’un recours : le déféré préfectoral.

La loi du 2 mars 1982 a été complétée par les lois n° 83-8 du 7 janvier 1983 et n° 83-663 du 22 juillet 1983 relatives à la répartition des ‎compétences entre les communes, les départements, les régions et l’Etat.

La deuxième décentralisation

Le gouvernement dirigé par Jean-Pierre Raffarin (2002-2005), sous la présidence de Jacques Chirac, a initié ce qu’il a appelé « l’acte II de la décentralisation ». Cet acte II s’ouvre par l’adoption d’une révision constitutionnelle (loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République). Cette loi constitutionnelle prévoit la possibilité d’expérimentations législatives et réglementaires, c’est-à-dire de dérogations au principe d’égalité. Elle introduit également un alinéa à l’article 72 de la constitution pour y prévoir le principe de subsidiarité (« Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon »). Notons que c’est depuis cette révision que la Constitution désigne les communes, départements et régions comme étant des « collectivités territoriales » et non plus des « collectivités locales ».

Cette révision constitutionnelle sera suivie de l’adoption de la loi n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Cette loi organise le transfert de nouvelles compétences de l’Etat vers les collectivités territoriales comme les ports et aéroports et les routes nationales.

Les réformes récentes

Le rapport du Comité pour la réforme des collectivités territoriales, présidé par l’ancien Premier ministre Edouard Balladur, est remis au président de la République le 5 mars 2009. Ce rapport marque une étape notable dans la réflexion sur l’organisation territoriale française. Le Comité critiquait les précédentes réformes car elles n’avaient pas permis de simplifier une organisation territoriale complexe. Il proposait de regrouper les régions françaises, trop petites par exemple par rapport aux Länder et de simplifier l’organisation territoriale.

Une première loi de réforme, portée sous la présidence de Nicolas Sarkozy, a été adoptée : la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales (Loi RCT). La loi organisait un rapprochement institutionnel entre les départements et les régions dans le but ultime de faire disparaître les premiers. Par ailleurs la fusion des communes (en vue de créer des communes plus grandes) était encouragé, ainsi que le regroupement des départements et des régions. La loi a aussi créé les pôles métropolitains, devenus depuis les métropoles. La loi RCT a également prévu l’élection des conseillers des EPCI à fiscalité propre au suffrage universel direct (v. supra).

Par pur dogmatisme le Président de la République François Hollande, successeur de Nicolas Sarkozy, a décidé d’abroger une grande partie de la loi RCT. En lieu et place de la réorganisation déjà votée de nouvelles réformes ont été élaborées, qui n’aboutissent pas au rapprochement entre régions et départements mais à de simples transferts de compétences. La loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 organise l’élection des conseillers des régions et des départements et assure la mixité parfaite entre les hommes et les femmes dans les conseils départementaux. La loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (loi MAPAM ou MAPTAM) vise à clarifier les compétences des collectivités territoriales et précise le régime juridique des métropoles. Enfin, un regroupement régional a lieu par l’effet de la loi 2015-29 du 16 janvier 2015 (v. supra). La loi du 16 janvier est complétée par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant sur la Nouvelle Organisation Territoriale de la République (Loi NOTRe). Cette loi augmente les compétences de la région, principalement au détriment du département. Elle renforce par ailleurs la présence de l’intercommunalité, en imposant la constitution d’établissements regroupant au minimum 15.000 et non plus 5.000 habitants.

L’essentiel des réformes préconisées en 2009 a été mis en œuvre, mais par des voies qui aboutissent à certains égards à une plus grande complexité qu’auparavant, tout changement entraînant une forme de désorganisation.

3. Le principe d’égalité

Le principe d’égalité est l’un des principes structurants du droit public français. Ce principe juridique est venu renforcer, depuis la Révolution française, le principe d’unité de l’Etat qui était déjà d’une grande force.

L’on peut voir l’unité de l’Etat et de ses fonctions à la fois comme la cause et la conséquence de l’égalité. Le statut de la langue française que nous examinons infra est une autre manière d’affirmer l’égalité de tous. Joint au principe de laïcité, il constitue l’outil d’une forme de neutralisation des différences qui est l’instrument de l’intégration des peuples et des religions.

Le modèle d’intégration par l’égalité connait évidemment des limites car il suppose l’acceptation d’un modèle de société basé sur l’indifférence à l’altérité. La question de la confrontation entre la République français et l’Islam est évidemment la forme actuellement la plus prégnante de ce débat que nous retrouverons dans les développements consacrés à la laïcité.

Les sources du principe d’égalité sont multiples. On les trouve dans la Constitution mais aussi parmi les principes non écrits reconnus par le juge administratif (A). La signification du principe d’égalité doit être saisie dans son expression générale et dans ses expressions particulières (B). La portée des inévitables aménagements ne doit pas être exagérée (C).

a) Les sources du principe d’égalité

Le principe d’égalité est garanti par de nombreuses dispositions constitutionnelles.

Il est d’abord garanti par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en il constitue à ce titre l’un des principaux acquis de la Révolution française. L’article 1er de la Déclaration contient l’expression générale du principe d’égalité : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune ». L’article condamne les distinctions sociales d’Ancien régime qui étaient fondées sur les Privilèges. Le principe d’égalité est garanti par deux autres articles de la Déclaration, qui ont plus d’influence sur le droit positif : les articles 6 et 13. L’article 6 garantit l’égalité devant la loi. C’est l’une des dispositions constitutionnelles les plus sollicitées. L’article 13 enfin garantit l’égalité devant les charges publiques dont l’une des expressions est l’égalité devant l’impôt.

Le principe d’égalité apparait dans de nombreux autres dispositions. C’est d’abord le cas du préambule de la Constitution de 1946 dont l’alinéa 1er réitère le principe général d’égalité en considérant que « tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés ». L’article 3 du même Préambule garantit l’égalité entre les femmes et les hommes. L’égalité se retrouve également dans les dispositions qui déclarent des droits au bénéfice de « tous ». L’alinéa 11 garantit « à tous » la protection de la santé, ajoutant que « tout être humain » doit pouvoir bénéficier de moyens convenables d’existence. A l’alinéa 12 la Nation proclame la solidarité et « l’égalité de tous les français » devant les charges qui résultent des calamités nationales. L’alinéa 13 garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction. L’alinéa 16 énonce l’égalité des droits et des devoirs entre la France et les peuples d’outre-mer. De manière moins convaincante l’alinéa 18 garantit l’égal accès aux fonctions publiques au sein des peuples colonisés.

Le principe d’égalité est ensuite garanti sur le plan constitutionnel par l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958. Après avoir rappelé le caractère indivisible de la République cet article énonce l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion, reprenant l’énoncé de l’alinéa 1er du Préambule de 1946. Le second alinéa de l’article 1er revêt une importance particulière car il consacre une forme « positive » de l’égalité sous la forme d’une discrimination positive au profit des femmes : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ». Nous reviendrons sur cet article assez récent qui déroge à la conception classique de l’égalité. L’article 3 de la Constitution pose le principe de l’universalité et de l’égalité du suffrage. L’article 72-2 alinéa 5 pose dans des termes assez prudents le principe de péréquation financière visant à assurer l’égalité entre les collectivités territoriales.

Enfin l’on retrouve le principe d’égalité dans la devise de la République qui est rappelée à l’article 2 de la Constitution : « Liberté, Egalité, Fraternité ». Cette devise est rappelée sans guillemets, sous la forme d’un idéal commun partagé avec les populations d’outre-mer à l’article 72-3.

Le principe d’égalité a également été consacré à un niveau infra-constitutionnel par le Conseil d’Etat. Par sa décision du 9 mars 1951 Société des concerts du conservatoire le Conseil d’Etat a consacré le « principe d’égalité qui régit le fonctionnement des services publics » sous la forme d’un principe général du droit. L’égalité avait avant cette date fondé le régime de la responsabilité sans faute de l’Etat, qui trouve l’une de ses bases dans le principe d’égalité devant les charges publiques à une époque où aucune disposition constitutionnelle ni aucun principe général du droit ne trouvait pourtant à s’appliquer (CE, 30 novembre 1923, Couitéas, rec. 789 ; D. 1923.3.59 concl. Rivet).

Quant aux garanties législatives de l’égalité, elles sont si nombreuses qu’il est illusoire d’en faire le décompte.

Mais le principe d’égalité n’a pas seulement été consacré par la Constitution et le législateur : il a depuis le milieu du XXème siècle fait l’objet d’une consécration par le Conseil d’Etat, qui en a fait un Principe général du droit (sur cette notion, voir les développements consacrés aux sources du droit administratif). Le principe d’égalité régit par exemple, même sans texte, le fonctionnement de tout service public [1].

b) Les significations du principe d’égalité

Si le principe d’égalité connait des fondements très diversifiés, sa définition est dans son principe sans équivoque. En droit français, le principe d’égalité interdit de traiter de manière différente des situations identiques mais il ne s’oppose ni à ce que des situations différentes soient traitées de manière différente, ni à ce qu’il soit dérogé à l’égalité pour des raisons d’intérêt général.

Une précision s’impose immédiatement : le principe d’égalité tel qu’il s’applique en droit français n’impose pas que des situations différentes soient traitées de manière différente. Il n’existe à cette expression du principe que deux cas que nous examinerons infra : l’égalité hommes-femmes et la progressivité de l’impôt sur le revenu. Cette expression souvent implicite de l’égalité en droit public français a été explicitée par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 28 mars 1997, 179049, Société Baxter. Le Conseil d’Etat était saisi de plusieurs recours intentés par des entreprises pharmaceutiques. Elles contestaient leur soumission à une série d’impôts spéciaux pesant sur les entreprises pharmaceutiques et destinées à assurer l’équilibre financier de la sécurité sociale. L’un des moyens soulevés par les entreprises requérantes était qu’elles étaient soumises à la même contribution que certaines entreprises qui se trouvaient dans une situation différente. Le Conseil d’Etat écarte le moyen en considérant que « le principe d’égalité n’implique pas que des entreprises se trouvant dans des situations différentes doivent être soumises à des régimes différents » (CE, Ass., 28 mars 1997, Société Baxter et autres, req. N° 179049 ; RFDA, 1997, p. 450, concl. J.-C. Bonichot, note F. Mélin-Soucramanien).

Le principe d’égalité ainsi exprimé, nous pouvons maintenant examiner de manière plus approfondie sa signification (i). Quel que soit le sens qu’on lui donne, le principe d’égalité ne peut en aucun cas justifier des différences de traitement fondées sur certains critères énumérés par la Constitution (ii). A l’inverse, certains critères, peu nombreux, obligent le législateur à créer des différences de traitement (iii).

iii) La possibilité de traiter de manière différente des situations différentes

Au cours du temps l’expression du principe d’égalité s’est affinée pour être résumée dans une formule qui est reprise par toutes les juridictions, que la norme concernée soit législative ou réglementaire. Le Conseil d’Etat énonce que « le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que dans l’un comme dans l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la norme qui l’établit » (v. par exemple CE 9 février 2005, n° 229547, rec). La formule, désormais classique, est posée dans les même termes par le Conseil constitutionnel [2].

L’énoncé du principe d’égalité ne signifie donc évidemment pas que le législateur ou le pouvoir réglementaire doivent traiter toute situation de la même manière. Les différences de traitement ne peuvent cependant être fondées que sur des critères qui sont en rapport avec l’objet de la norme. Le Conseil constitutionnel ajoute parfois que les critères doivent être des « critères objectifs et rationnels au regard du but poursuivi par le législateur » [3].

Les différences de traitement dans l’accès à des services sanitaires peuvent par exemple être fondées sur des différences de revenus [4]. Quant aux services publics facultatifs de loisirs (écoles de musique par exemple), les différences tarifaires fondées sur les revenus ont longtemps été exclues comme fondées sur des critères sans rapport avec l’objet du service rendu. Le juge administratif [5] puis le législateur ont progressivement ouvert cette possibilité.

ii) L’interdiction de traiter de manière différente des situations différentes i

Certaines situations, même objectives, ne peuvent en aucun cas fonder une différence de traitement. Ce sont principalement celles qui sont visées à l’article 1er, phrases 1, 2 et 3 de la Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances […] ». L’origine renvoie aux différences ethniques, tout comme le terme « race » dont l’usage fait désormais régulièrement débat.

Ni l’appartenance ethnique, ni la religion ne peuvent fonder une quelconque différence entre individus.

Il en allait de même avec le genre et avant que la Constitution ne soit modifiée pour prévoir que la loi devait favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives (v. infra). Avant cela, le Conseil constitution a été saisi à plusieurs reprises de lois prévoyant des quotas de femmes sur certaines listes électorales. La première décision sur la question, « Quotas par sexe », date du 18 novembre 1982 [6]. Le législateur avait prévu que les listes de candidats aux élections municipales ne pouvaient pas comporter plus de 75% de personnes du même sexe. Après avoir rappelé les dispositions de l’article 3 de la Constitution et celles de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le Conseil constitutionnel considère qu’il résulte du rapprochement de ces textes que « la qualité de citoyen ouvre le droit de vote et l’éligibilité dans des conditions identiques à tous ceux qui n’en sont pas exclus pour une raison d’âge, d’incapacité ou de nationalité, ou pour une raison tendant à préserver la liberté de l’électeur ou l’indépendance de l’élu ; que ces principes de valeur constitutionnelle s’opposent à toute division par catégories des électeurs ou des éligibles », en particulier en raison de leur sexe. Plus tard le Conseil constitutionnel a censuré une loi qui prévoyait la parité hommes-femmes sur les listes de candidats à l’élection régionale [7].

L’une des expressions les plus brillantes de l’interdiction de toute différence de traitement se trouve dans le régime du service public et dans un principe complémentaire du principe d’égalité : la neutralité. i

iii) L’obligation de traiter de manière différente des situations différentes

Il existe une obligation de traiter de manière différente des situations différentes dans deux domaines.

En premier lieu, le législateur peut désormais prévoir une discrimination positive au bénéfice des femmes en matière électorale. Une loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 a en effet introduit une alinéa 5 à l’article 3 de la Constitution, aux termes duquel « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ». L’alinéa 5 de l’article 3 a été supprimé et remplacé par l’article 1er alinéa 2 de la Constitution [8] qui dispose désormais que « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ». C’est sur la base des dispositions nouvelles que le Conseil constitutionnel a reconnu la constitutionnalité d’une loi tendant à favoriser l’accès des femmes aux fonctions électives [9]. Mais en dehors d’une loi prise sur le fondement de l’article 3 alinéa 5, toute discrimination positive en faveur des femmes reste contraire au principe constitutionnel d’égalité et le pouvoir réglementaire excès ses compétences s’il entend instaurer une telle discrimination positive sans intervention du législateur  [10].

En second lieu, le Conseil constitutionnel a élaboré une jurisprudence tendant à garantir le principe de progressivité de l’impôt sur le revenu. L’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose que « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Cet article fonde le principe d’égalité les charges publiques, mais il se finit par un renvoi aux « facultés ». Ces « facultés » renvoient à la capacité contributive, c’est-à-dire la possibilité de payer l’impôt. A la fin du XIXème siècle, l’article 13 DDHC était interprété comme justifiant un impôt proportionnel qui paraissait le plus juste car fondé sur une stricte égalité. Selon l’approche contemporaine, informée par les théories économiques marginalistes, l’égalité réside plutôt dans la progressivité de l’impôt. Le Conseil constitutionnel se fait l’écho de cette approche et dans une décision de 1993 il a posé le principe selon lequel l’impôt sur le revenu devait être progressif pour respecter l’article 13 DDHC [11]. Notons que si le Conseil semble condamner une loi qui supprimerait complètement la progressivité, il n’exclut pas une forme de proportionnalité. Par ailleurs ce principe n’a pour le moment été posé qu’en matière d’impôt sur le revenu. Les contributions indirectes ne sont pas concernées.

[1] CE, Sect. 9 mars 1951, Société des concerts du Conservatoire, rec. 151.

[2] CC, décision 87-232 DC du 7 janvier 1988, « Mutualisation de la Caisse nationale de Crédit agricole » : « 10. Considérant que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit […] ».

[3] CC, décision 2007-555 DC du 16 août 2007, Loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, cons. 19.

[4] CE 20 novembre 1964, Ville de Nanterre, n° 57435, rec. 562.

[5] CE Sect., 29 décembre 1997, Commune de Gennevilliers et Commune de Nanterre, n°157425 et n°134341.

[6] CC, décision 82-146 DC du 18 novembre 1982, Loi modifiant le code électoral et le code des communes et relative à l’élection des conseillers municipaux et aux conditions d’inscription des Français établis hors de France sur les listes électorales (« Quotas par sexe »).

[7] CC, décision numéro 98-407 DC du 14 janvier 1999, Loi relative au mode d’élection des conseillers régionaux et des conseillers à l’Assemblée de Corse et au fonctionnement des Conseils régionaux (“Quotas par sexe II”).

[8] Par l’effet de l’article 1er de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République.

[9] CC, décision n° 2000-429 DC du 30 mai 2000, « Quotas par sexe III » (Loi tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives).

[10] CE, Assemblée, 7 mai 2013, Fédération CFTC de l’agriculture et autres, n°  362280, publié au recueil.

[11] CC, décision n° 93-320 DC du 21 juin 1993, Loi de finances rectificative pour 1993, cons. 32.

B./ Les dérogations au principe d’unité de l’Etat

Poser le principe d’unité de l’Etat est aisé dans un Etat caractérisé par une grande unité territoriale et peu de mixité ethnique et religieuse. C’est plus difficile dans un pays comme la France, dont le passé colonial a étendu le territoire national dans l’Atlantique (Guadeloupe, Martinique, Guyane, Saint-Pierre et Miquelon, Saint-Barthélémy, Saint-Martin), l’Océan indien (Ile de La Réunion, Mayotte), dans le Pacifique (Polynésie française, Nouvelle Calédonie, Clipperton, Wallis-et-Futuna) et l’Antarctique (Terres australes et antarctiques françaises). La plus grande frontière terrestre de la France s’étend, sur 730 kilomètres, entre la Guyane française et le Brésil. C’est ce que l’on appelle l’ « Outre-mer » (1).  L’histoire a également laissé son empreinte en métropole et le statut de l’Alsace-Moselle reste très spécifique (2).

1) L’outre-mer

La France est le seul Etat au monde à être présent sur les cinq continents, au sein de territoires de taille parfois dérisoire mais qui n’en sont pas moins soumis à la pleine souveraineté de l’Etat français.

Des adaptations sont cependant nécessaires au principe d’unité, qui va jusqu’à reconnaître des rois coutumiers en Polynésie français : il existe donc encore des rois en France (mais non des rois de France) !

Les différentes collectivités que l’on nomme « d’outre-mer » sont réparties en différentes catégories juridiques. Notons en premier lieu que la collectivité de Corse ne dispose pas d’un statut constitutionnel particulier.

Les collectivités les plus intégrées sont les départements et régions d’outre-mer prévus à l’article 73 de la constitution. Dans les Antilles, la Guadeloupe et la Martinique sont des départements et des régions. Dans l’Océan indien c’est également le cas de la Réunion et de Mayotte.

Les départements et régions d’outre-mer sont soumis au principe d’identité législative. Cela signifie, pour reprendre les termes de l’article 73 alinéa 1 première phrase, que dans ces départements et régions « les lois et règlements sont applicables de plein droit ». En d’autres ces collectivités sont soumises aux mêmes lois que la métropole. Il est cependant possible de prévoir des « adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités » (même article).

Les collectivités d’outre-mer de l’article 74 sont plus « éloignées » encore de la métropole, parfois géographiquement, souvent culturellement et toujours juridiquement. Elles disposent chacune d’un statut particulier, déterminé par une loi organique. Ce sont Saint-Pierre-et-Miquelon, des îles Walis et Futuna, la Polynésie française, Saint-Barthélemy et de Saint-Martin. En fonction de leur statut, des collectivités d’outre-mer (COM) peuvent bénéficier de la spécialité législative c’est-à-dire que les lois et règlements applicables en métropole ne s’y appliquent que sur mention expresse. Certaines peuvent bénéficier de l’autonomie (article 74 al. 7) c’est-à-dire qu’elles ont la compétence pour fixer des règles dans des domaines relevant en principe de la loi. C’est le cas de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de la Polynésie française.

Le cas de la Polynésie est intéressant. La loi organique du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française définit les lois du pays comme des actes intervenant dans le domaine de la loi mais sur lesquels le Conseil d’État exerce un contrôle juridictionnel spécifique.

Nous devons en dernier lieu évoquer le cas spécifique de la Nouvelle-Calédonie. Les articles 76 et 77 de la Constitution y sont consacrés. La Nouvelle-Calédonie constitue l’exemple le plus poussé de distance géographique, culturelle et juridique. Elle dispose d’un statut constitutionnel particulier lié à sa forte tendance indépendantiste. La présence d’une communauté immigrée parfois de longue date (les caldoches) majoritaire par rapport aux autochtones (les kanak) explique seule que la Nouvelle-Calédonie n’ait pas encore conquis sa totale indépendance. Ce statut constitutionnel résulte d’un enchevêtrement de textes assez original. Après des événements d’une particulière gravité (la prise en otage de gendarmes par des indépendantistes à la grotte d’Ouvéa qui s’est conclue par la mort de quatre gendarmes et dix-neuf indépendantistes) ont été conclus les « accords de Matignon » approuvés par un referendum le 6 novembre 1988. Un autre accord, dit de « Nouméa » a été signé le 5 mai 1998. Il repousse la date de l’autodétermination mais prévoit des transferts massifs de compétence à l’exception des domaines régaliens (la défense, la sécurité, l’intérieur la justice et la monnaie). Trois referendums d’autodétermination doivent être organisés afin de proposer l’indépendance à la population de la Nouvelle-Calédonie. Le premier référendum a eu lieu le 4 novembre 2018 et s’est conclu par le non à l’indépendance par plus de 56 % des voix, ce qui est une marge faible pouvant préjuger d’une possible inversion. L’accord de Nouméa est cité à l’article 76 de la Constitution, ce qui lui confère un statut constitutionnel.

2) L’Alsace-Moselle

Le droit local d’Alsace-Moselle maintient, dans les territoires appartenant au Deuxième Empire allemand redevenus français (les départements actuels du Bas-Rhin du Haut-Rhin et de la Moselle), une partie du corpus normatif en vigueur sous le régime allemand. La convention d’armistice du 11 novembre 1918 puis le Traité de Versailles du 26 juin 1919  sonnent le début de la période de désannexion du « Reichsland Elsass-Lothringen». Les décrets des 15 et 26 novembre 1918 (« Novemberverfassung ») ont mis en place une nouvelle organisation. La substitution automatique du droit français au droit « local » n’était pas envisageable et la solution de l’introduction progressive a été adoptée. Un décret du 6 décembre 1918 puis la loi du 12 octobre 1919, ratifiant le traité de Versailles rétablissant la souveraineté française dans les trois départements avec effet rétroactif au 11 novembre 1918 (art. 51), consacre la légalité des dispositions antérieures. La loi du 17 octobre 1919 confirme le maintien en vigueur provisoire de la législation locale en apportant des précisions sur l’introduction du droit français. Le droit allemand présentait une certaine modernité dans les secteurs de la sécurité sociale, le régime des sociétés, le livre foncier et l’application du droit français aurait été perçu comme une « régression ». Conformément à la loi du 17 octobre 1919 décide que l’introduction des lois françaises ne se ferait que par des textes spéciaux.

Des lois du 1er juin 1924 maintiennent une série de textes allemandes interviennent à cette fin en matière civile et commerciale.

Les dispositions toujours en vigueur aujourd’hui sont relatives aux professions, aux jours fériés, au régime des cultes, au remboursement des frais de santé, à l’aide sociale, au régime des retraites, à l’organisation juridictionnelle, aux procédures de faillite civile, au livre foncier, au droit de la chasse et au droit des associations.

La survivance de cette législation spécifique pose évidemment question, alors que les territoires en question ne présentent aucune des particularités (insularité, éloignement) qui caractérisent les territoires d’outre-mer (voir supra). Le Conseil constitutionnel a eu l’occasion d’apporter une série de précisions sur le maintien de cette législation. En premier lieu, le Conseil constitutionnel a reconnu que l’existence de la législation d’Alsace-Moselle ne violait pas le principe d’égalité puisqu’elle était antérieure à la loi du 17 octobre 1919 (CC, n°2011-157 QPC du 5 août 2011, Société SOMODIA – interdiction du travail le dimanche en Alsace-Moselle, point 5). Cependant, « à défaut de leur abrogation ou de leur harmonisation avec le droit commun, ces dispositions particulières ne peuvent être aménagées que dans la mesure où les différences de traitement qui en résultent ne sont pas accrues et que leur champ d’application n’est pas élargi » (même décision, point 4). Cela signifie qu’aucune différence de traitement ne peut désormais être introduite sans violer la constitution. Ainsi, des dispositions spécifiques du code des assurances applicables à l’Alsace-Moselle et qui ont été introduites en 1991 sont contraires à la Constitution car elles violent le principe d’égalité (CC, n°2014-414 QPC du 26 septembre 2014, Société Assurances du Crédit mutuel).

Le Conseil constitutionnel a par ailleurs été amené à examiner la question de la langue des textes applicables. De nombreux textes en effet, rédigés en langue allemande, ont continué de s’appliquer en Alsace-Moselle sans qu’il n’en existe de traduction officielle. Tel est le cas du « code des professions » adopté par une loi d’Empire du 26 juillet 1900, et maintenu en vigueur en Alsace et en Moselle par des lois du 1er juin 1924 en matière civile et commerciale. Dans une décision n° 2012-285 QPC du 30 novembre 2012, le Conseil constitutionnel a précisé que l’absence de traduction officielle portait atteinte à l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi. Mais des dispositions non-traduites ne peuvent être déclarée inconstitutionnelles que si elles portent atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Et les textes s’appliquent tant qu’elles n’ont pas été abrogées par le Conseil constitutionnel. Cependant, eu égard au caractère très général de l’analyse du Conseil et à la menace qui pesait sur tous les textes de la période allemande, le Gouvernement a assuré la publication de la traduction des lois et règlements locaux maintenus en vigueur par les lois du 1er juin 1924 dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle par deux décrets n° 2013-395 du 14 mai 2013 et n° 2013-776 du 27 août 2013.

Malgré l’absence de déclaration générale d’inconstitutionnalité des textes non-traduits, l’absence de traduction officielle peut poser de sérieuses difficultés. C’est ce qu’illustre une intéressante décision de la Cour administrative d’appel de Nancy (9 juillet 2020, n° 18NC01505). Dans cette affaire était en cause un refus d’autorisation de recruter un enseignant d’école privée, sur le fondement de l’ordonnance du Chancelier de l’Empire du 10 juillet 1873 qui n’avait pas été traduite par les décrets n° 2013-395 du 14 mai 2013 et n° 2013-776 du 27 août 2013 précités. La Cour considère en premier lieu que l’absence de traduction de l’ordonnance du 10 juillet 1873 n’entraîne pas l’inapplicabilité du texte, la traduction en français n’était ni exigée par les lois du 1er juin 1924, ni imposées par le Conseil constitutionnel. Mais en second lieu la Cour constate que si une traduction de l’ordonnance de 1873 existe et qu’elle est accessible sur le site de la Bibliothèque nationale de France dans sa version publiée en 1918, cela ne garantit pas que le texte soit considérée comme accessible. Les dispositions en cause violent donc l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité de la norme, alors que l’article 2 de la Constitution dispose que la langue de la République est le français.

 

§2. L’Etat composé

Parmi les formes d’Etat composé l’on note en premier lieu le fédéralisme. En raison du fait que tous les étudiants suivent le cours de Staatsrecht I, nous serons très rapide sur le sujet puisqu’il est étude avec l’organisation de l’Etat allemand (A). Nous évoquerons rapidement l’e système de la confédération (B). Qu’il nous soit permis enfin d’évoquer la notion de « fédéralisme personnel » qui est une approche stimulante de la question du fédéralisme (C).

Sur la distinction entre Etat fédéral, fédération d’Etats et Confédération, Eric Maulin écrit :

« La notion d’ordre juridique fédéral est apparemment sans unité. Partagée entre les deux catégories de l’État fédéral et de la confédération d’États, la fédération est une notion hétérogène, sans unité conceptuelle ; elle est susceptible de prendre une forme conventionnelle, les États se réunissant en confédération dans un ordre interétatique, ou bien une forme constitutionnelle, les États fusionnant au sein d’un seul ordre juridique, intraétatique. Cette distinction standard de l’État fédéral et de la confédération d’États n’est pourtant apparue qu’assez tardivement dans la littérature consacrée à la fédération, dans le troisième tiers du xix e siècle, au moment où les fédérations, américaine, allemande et suisse, se métamorphosent en de véritables États fédéraux. Dans un article saisissant, le professeur Olivier Beaud a consacré quelques pages instructives à l’histoire de la distinction entre État fédéral et confédération d’États dans la dogmatique juridique. Il nous rappelle que si la distinction entre le Bundesstaat et le Staatenbund remonte à l’ouvrage du juriste K. S. Zachariae portant sur la Confédération du Rhin, la première véritable formulation doctrinale apparaît dans l’œuvre de Georg Waitz, dans un contexte polémique cependant, celui de 1848. Elle est alors destinée à faire ressortir les qualités du Bundesstaat et déprécier ceux du Staatenbund. L’État fédéral est conçu comme un troisième terme, entre la confédération internationale et l’État unitaire. Cette distinction sera par suite adoptée et fixée par Paul Laband, puis Georg Jellinek et, enfin, Raymond Carré de Malberg… ». (MAULIN Éric, « L’ordre juridique federal. l’etat federal authentique », Droits, 2002/1 (n° 35), p. 41-62. DOI : 10.3917/droit.035.0041. URL : https://www.cairn.info/revue-droits-2002-1-page-41.htm).

A./ L’Etat fédéral

Dans l’État unitaire ou l’Etat régional, il n’existe qu’un ordre constitutionnel, celui de l’État central originaire, et c’est la constitution de celui-ci qui détermine les modalités essentielles du statut et des attributions des organes régionalisés.

L’État fédéral en revanche comporte une dualité d’ordres constitutionnels, celui de l’État fédéral et celui des États fédérés (Lauvaux, 3ème édition, n° 49 p. 176).

Cependant, selon certains auteurs, les Etats fédérés ne sont pas de véritables États.

Ils disposent d’une constitution et détiennent les 3 pouvoirs : législatif, exécutif et judiciaire.

Cependant, ils ne détiennent pas la compétence de la compétence, ils ne détiennent pas la souveraineté.

Il existe deux formes de fédéralismes.

Le plus connu, le seul étudié en général est ce que l’on peut appeler le fédéralisme territorial.

Mais il existe également un « fédéralisme personnel » qui permet d’attribuer un régime juridique différent à des populations nationales différentes présentes sur un même territoire.

B./ Les Etats confédérés

Bibliographie

(Constantinesco, pp. 296 et 297)

Confédération allemande : en 1806 sous l’égide de Napoléon, création de la Confédération du Rhin, qui laisse place en 1815 à la Confédération germanique (Deutsher Bund) elle-même remplacée en 1866-1867 par les Etats du Nord de l’Allemagne et par la Confédération d’Allemagne du Nord (Norddeutscher Bund).

Confédération helvétique : n’est plus une confédération mais un État fédéral.

C./ Le fédéralisme personnel

Bibliographie :

Pierré-Caps, Stéphane. « Karl Renner et l’État multinational. Contribution juridique à la solution d’imbroglios politiques contemporains », Droit et société, 1994, pp. 421-441.

Le jurisconsulte autrichien Karl Renner a théorisé l’État multinational au début du XXe siècle.