A./ L’adoption de l’acte administratif unilatéral

1) Distinction des actes pris à l’initiative de l’administration et des actes pris sur demande

a) Les décisions prises à l’initiative de l’administration

b) Les décisions prises sur demande

2) Les règles de procedure assurant l’information de l’administration

La « tradition française » laisse peu de place à l’administration consultative, contrairement par exemple à la tradiction anglosaxonne qui fait une très large place au due process of law dans l’élaboration des décisions de l’administration.

Il existe cependant des procédures, en nombre croissant, destinées à recueillir des avis. Nous pouvons classer ces procédures en deux catégories : celles ayant pour but de recueillir l’avis d’un expert (a) ; celles qui ont pour objet de recueillir l’avis du public (b).

a) L’obligation de soumettre le projet d’acte à l’avis d’un expert

Les avis divisent en deux catégories : les avis facultatifs, et les avis obligatoires.

Parmi les avis obligatoire existent encore deux catégories : les avis conformes et non conformes.

 

Le principal exemple d’avis obligatoire (mais non conformes) est la procédure de consultation du Conseil d’Etat sur les projets de décrets (en Conseil d’Etat) et les projets de lois et d’ordonnances.

Le nombre des avis obligatoires est très important. Il n’en existe aucune liste officielle et une recherche par secteurs d’activité ou par type d’actes est nécessaire.

Par secteurs :

Energie. Compétence du Conseil supérieur de l’énergie préalablement à l’adoption de tout acte réglementaire intéressant le secteur de l’électricité et du gaz (1)

Données personnelles. La Commission nationale informatique et libertés est consultée sur tout projet de loi ou de décret « relatifs à la protection des données à caractère personnel ou au traitement de telles données » (2). 

Transports. L’article L. 2133-5 du code des transports prévoit que l’ART émet un « avis conforme sur la fixation des redevances d’infrastructure liées à l’utilisation du réseau ferré national ».

1)    Art. 142-21 du Code de l’énergie.

2) Article 8, 4° a) de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978, modifiée.

*   *   *

Loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, article 70

« Lorsque l’autorité administrative, avant de prendre une décision, procède à la consultation d’un organisme, seules les irrégularités susceptibles d’avoir exercé une influence sur le sens de la décision prise au vu de l’avis rendu peuvent, le cas échéant, être invoquées à l’encontre de la décision […] ».

« Considérant que ces dispositions énoncent, s’agissant des irrégularités commises lors de la consultation d’un organisme, une règle qui s’inspire du principe selon lequel, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ; que l’application de ce principe n’est pas exclue en cas d’omission d’une procédure obligatoire, à condition qu’une telle omission n’ait pas pour effet d’affecter la compétence de l’auteur de l’acte ; »

Conseil d’État, Assemblée, 23 décembre 2011, M. Danthony et autres, requête numéro 335033 [Lien]

b) L’obligation de receuillir l’avis du public

Existe surtout en matière d’environnement et de travaux publics.

3) Les règles de procédure destinées à protéger l’administré

Le principe des droits de la défense

CE 5 mai 1944, Dame veuve Trompier-Gravier*, p. 133

Loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, prévoyait en son article 24

« Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public n’interviennent qu’après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L’autorité administrative n’est pas tenue de satisfaire les demandes d’audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique.

Les dispositions de l’alinéa précédent ne sont pas applicables :

1° En cas d’urgence ou de circonstances exceptionnelles ;

2° Lorsque leur mise en oeuvre serait de nature à compromettre l’ordre public ou la conduite des relations internationales ;

3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière.

Les modalités d’application du présent article sont fixées en tant que de besoin par décret en Conseil d’Etat ».

Désormais, l’article L.121-1 CRPA prévoit :

Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l’article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d’une procédure contradictoire préalable.

Aux termes de l’article 121-2 du même code :

Les dispositions de l’article L. 121-1 ne sont pas applicables :
1° En cas d’urgence ou de circonstances exceptionnelles ;
2° Lorsque leur mise en œuvre serait de nature à compromettre l’ordre public ou la conduite des relations internationales ;
3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière ;
4° Aux décisions prises par les organismes de sécurité sociale et par l’institution visée à l’article L. 5312-1 du code du travail, sauf lorsqu’ils prennent des mesures à caractère de sanction.
Les dispositions de l’article L. 121-1, en tant qu’elles concernent les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l’article L. 211-2, ne sont pas applicables aux relations entre l’administration et ses agents.

4) Les règles de forme

L’obligation de motivation

Loi n°79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public

« Article 1er Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent.

A cet effet, doivent être motivées les décisions qui :

  • – restreignent l’exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ;

  • – infligent une sanction ;

  • – subordonnent l’octroi d’une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ;

  • – retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ;

  • – opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ;

  • – refusent un avantage dont l’attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l’obtenir ;

  • – refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l’un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions des deuxième à cinquième alinéas de l’article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public ».

Désormais, aux termes de l’article L. 211-2 CRPA :

Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent.
A cet effet, doivent être motivées les décisions qui :
1° Restreignent l’exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ;
2° Infligent une sanction ;
3° Subordonnent l’octroi d’une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ;
4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ;
5° Opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ;
6° Refusent un avantage dont l’attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l’obtenir ;
7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l’un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l’article L. 311-5 ;
8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d’une disposition législative ou réglementaire.

5) La signature

a) Portée juridique de la signature

La signature n’est pas une simple question de forme : d’elle dépend la preuve d’une expression de la volonté et donc l’existence de l’acte administratif en tant qu’acte juridique.

L’absence de signature de l’acte administratif ne le frappe donc pas d’un simple vice de forme, mais du vice d’inexistence.

 

b) Procédures particulières de signature

 

c) Signature et exercice des compétences

i) Délégation de signature

La délégation de signature est l’acte par lequel une autorité administrative « délégante » délègue autorité « déléguée » la faculté de signer des actes, sans elle-même abandonner cette faculté.

Contrairement à la délégation de pouvoir, la délégation de signature n’entraîne pas de transfert de compétence.

V. par exemple pour une délégation générale de signature des ministres à certains membres de l’administration centrale : décret n°2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement

ii) Délégation de pouvoir

B./ L’entrée en vigueur de l’acte administratif unilatéral

1) Publicité et opposabilité

2) Les différents régimes de publicité

Ordonnance n° 2004-164 du 20 février 2004 relative aux modalités et effets de la publication des lois et de certains actes administratifs

Article 2

Sont publiés au Journal officiel de la République française les lois, les ordonnances, les décrets et, lorsqu’une loi ou un décret le prévoit, les autres actes administratifs.

Article L. 2131-1 CGCT

Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu’il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu’à leur transmission au représentant de l’Etat dans le département ou à son délégué dans l’arrondissement. Pour les décisions individuelles, cette transmission intervient dans un délai de quinze jours à compter de leur signature.

a) Publicité des actes réglementaires

b) Publicité des actes individuels

c) Publicité des circulaires

Les circulaires sont soumises à un régime spécifique de publicité, organisé par le décret n° 2008-1281 du 8 décembre 2008 relatif aux conditions de publication des instructions et circulaires. Aux termes de l’article 1er de ce décret, « Les circulaires et instructions adressées par les ministres aux services et établissements de l’Etat sont tenues à la disposition du public sur un site internet relevant du Premier ministre. Elles sont classées et répertoriées de manière à faciliter leur consultation ». Cette obligation est sanctionnée et les circulaires qui ne sont pas publiées sur un site ne sont ni applicables par l’administration, ni opposables aux administrés.

C./ Les effets de l’acte administratif unilatéral

1) Le principe de non-rétroactivité des actes administratifs

Le principe de non-rétroactivité des actes administratifs a été établi en principe général du droit par la décision de principe Société du journal « l’Aurore » de 1948.

Il s’agissait en l’espèce des tarifs de vente d’électricité. Une décision administrative réglementaire avait majoré le prix de vente de l’électricité pour les consommations figurant dans le premier   relevé postérieur à sa date de publication, alors que ce relevé comprenait des consommations  antérieures à cette date.

CE Ass. 25 juin 1948, Société du journal « l’Aurore »* p. 289

Considérant qu’il est constant qu’en raison de l’intervalle de temps qui sépare deux relevés successifs de compteur le premier relevé postérieur au 1er janvier 1948 comprend, pour une part plus ou moins importante selon la date à laquelle il intervient, des consommations antérieures au 1er janvier ; qu’en décidant que ces consommations seront facturées au tarif majoré, l’arrêté attaqué viole tant le principe en vertu duquel les règlements ne disposent que pour l’avenir que la règle posée dans les articles 29 et suivants de l’ordonnance du 30 juin 1945 d’après laquelle le public doit être avisé, avant même qu’ils soient applicables, des prix de tous produits et services arrêtés par l’autorité publique ;

Il n’existe que de très rares exceptions au principe de non-rétroactivité. Il en existe deux, toutes deux liées aux conséquences qui doivent être tirées d’une annulation contentieuse.

La première hypothèse est portée par une décision Rodière, antérieure à la décision Société du journal l’Aurore (Conseil d’Etat, 18 juin 1926, Rodière, rec. p. 624). 

Un fonctionnaire, M. Rodière, avait obtenu l’annulation par le juge administratif d’un tableau d’avancement de ses collègues pour pour l’année 1921.  Par une décision de mars 1925, le Conseil d’État annula l’inscription des intéressés au tableau d’avancement pour 1921 . Pour l’exécution de cette décision, le ministre reconstitua rétroactivement la carrière des intéressés sur la base de leur non inscription au tableau pour l’année 1921.
M. Rodière ayant saisi une deuxième fois le Conseil d’État celui-ci rejette le recours en considérant que le ministre devait reconstituer la carrière des intéressés : 

Considérant que s’il est de principe que les règlements et les décisions de l’autorité administrative, à moins qu’ils ne soient pris pour l’exécution d’une loi ayant un effet rétroactif, ne peuvent statuer que pour l’avenir, cette règle comporte évidemment une exception lorsque ces décisions sont prises en exécution d’un arrêt du Conseil d’Etat, lequel par les annulations qu’il prononce entraîne nécessairement certains effets dans le passé à raison même de ce fait que les actes annulés pour excès de pouvoir sont réputés n’être jamais intervenus […]

 

La seconde hypothèse est encore une fois celle d’une annulation contentieuse. Lorsque le juge administratif a annulé l’acte réglementaire fixant les tarifs d’un service (en l’espèce la redevance d’enlèvements des ordures ménagère), il revient à l’administration de prendre un acte fixant de manière rétroactive, pour la période concernée, le montant de la redevance pour service rendu devant être acquittée par les usagers ayant contesté l’application individuelle de ces tarifs.

CE S.,28 avril 2014, Mme A. et autres, n° 357090

Observations sous CE S.,28 avril 2014, Mme A. et autres, n° 357090

2) Le principe de sécurité juridique applicable aux actes administratifs

CE Ass. 24 mars 2006, Société KPMG*, n° 288460

« Considérant qu’une disposition législative ou réglementaire nouvelle ne peut s’appliquer à des situations contractuelles en cours à sa date d’entrée en vigueur, sans revêtir par là même un caractère rétroactif ; qu’il suit de là que, sous réserve des règles générales applicables aux contrats administratifs, seule une disposition législative peut, pour des raisons d’ordre public, fût-ce implicitement, autoriser l’application de la norme nouvelle à de telles situations ;

Considérant qu’indépendamment du respect de cette exigence, il incombe à l’autorité investie du pouvoir réglementaire d’édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu’implique, s’il y a lieu, une réglementation nouvelle ; qu’il en va ainsi en particulier lorsque les règles nouvelles sont susceptibles de porter une atteinte excessive à des situations contractuelles en cours qui ont été légalement nouées ; »

3) Le caractère exécutoire de l’acte administratif

CE 2 juillet 1982, Huglo, p. 257

« Cons. que les décisions du président et des présidents adjoints de la section du contentieux ont pour seul objet de suspendre provisoirement les effets d’un jugement du tribunal administratif ordonnant le sursis à exécution d’une décision administrative qui a un caractère exécutoire ; que ce caractère est la règle fondamentale du droit public et que le sursis à exécution n’est pour le juge qu’une simple faculté […] »

4) Caractère exécutoire et exécution de l’acte

TC 2 décembre 1902, Société immobilière Saint-Just*, p. 713

Célèbre par les conclusions Romieu, qui constituent une sorte de « code de l’exécution d’office.

3 hypothèses :

1. Lorsque la loi l’autorise expressément

2. Lorsqu’il y a urgence

3. En dehors de ces 2 hypothèses, à 4 conditions :

a) Inexistence d’une autre sanction légale ;

b) Que l’opération administrative ait sa source dans un texte de loi précis ;

c) Que l’exécution se soit heurtée à une résistance ;

d) Que les mesures tendent uniquement à la réalisation de l’opération prescrite.