Sur ces questions, des modifications importantes ont été apportées par le nouveau code des relations entre le public et l’administration.

Les règles ci-dessous sont celles qui s’appliquaient jusqu’au 1er janvier 2016.

Nous les examinerons en D.1

Les règles fixées par le code seront ensuite examinées en D2. L’on constatera qu’elles sont une synthèse de la jurisprudence et des quelques textes intervenus notamment de la loi du 12 avril 2000.

D1. Les règles anciennes

1) Le retrait

a) Retrait des actes réglementaires

b) Retrait des actes individuels

CE 3 novembre 1922, Dame Cachet

Par sa décision Dame Cachet, le Conseil d’Etat a établi la règle procédurale selon laquelle un acte administratif individuel créateur de droit illégal pouvait être retiré tant qu’était ouverte la possibilité d’une annulation. Le délai de retrait était donc calqué sur les délai de recours, qui est en principe de deux mois.

Si un recours avait été exercé, le retrait pouvait intervenir tant qu’une décision juridictionnelle définitive n’avait pas été rendue.

Ce système apparemment simple (l’administration doit pouvoir elle-même remédier aux illégalités qu’elle a commises) s’est complexifié par la suite. L’administration s’est notamment vue offrir la possibilité de retirer une décision individuelle illégale sans délai lorsqu’elle n’avait pas indiqué les voies et délais de recours, seule l’indication de ces voies et délais de recours faisant courir le délai de de recours de droit commun de deux mois.

Ainsi, une règle créée pour protéger l’administré s’était transformée en une arme au service de l’administration, qui pouvait profiter de sa propre incurie.

Par sa décision Ternon, le Conseil d’Etat a remédié en grande partie à ces inconvénients en posant comme principe :

Considérant que, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l’administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ;

CE Ass., 26 octobre 2001, Ternon*, n° 197018

Mais cette décision Ternon, aussi importante soit-elle, ne règle pas toutes les questions relatives au retrait.

i) Retrait des actes légaux

Le retrait est possible sur demande.

Question : le retrait peut il être refusé ?

ii) Retrait des actes illégaux

–    Acte individuels non créateurs de droits

– Actes individuels créateurs de droits

– Actes explicites

CE Ass., 26 octobre 2001, Ternon*, n° 197018

« Considérant que, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l’administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ; »

Il existe plusieurs exceptions aux règles de l’arrêt Ternon, en matière même d’actes individuels créateurs de droits explicites.

C’est en premier lieu la situation des décisions obtenues par fraude. Ces décisions peuvent être retirées sans délai.

Il s’agit ensuite des décisions rapportant des décisions inexistantes : CE Sect. 28 décembre 2005, Monsieur Marc A., n° 279432, mentionné aux tables (Le CE reconnait que le ministre de la justice peut rapporter sans condition de délais un décret de nomination d’un magistrat qui, frappé d’une évidente erreur matérielle, ne pouvait avoir fait naître de droits au profit de son bénéficiaire).

– Actes implicites

Loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, article 23

« Une décision implicite d’acceptation peut être retirée, pour illégalité, par l’autorité administrative :

1° Pendant le délai de recours contentieux, lorsque des mesures d’information des tiers ont été mises en oeuvre ;

2° Pendant le délai de deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision, lorsqu’aucune mesure d’information des tiers n’a été mise en oeuvre ;

3° Pendant la durée de l’instance au cas où un recours contentieux a été formé.

Quant aux décisions implicites de rejet, elles sont encore régies par la décision Dame Cachet :

CE, 26 janvier 2007, SAS Kaefer Wanner, n° 284605,

2) L’abrogation

a) La possibilité d’abroger

i) L’abrogation des actes réglementaires

CE Sect. 27 janvier 1961, Vannier, p. 60

« Cons. […] qu’il appartient à l’administration de prendre la décision de mettre fin au fonctionnement d’un […] service public lorsqu’elle l’estime nécessaire, même si un acte réglementaire antérieur a prévu que ce fonctionnement serait assuré pendant une durée déterminée, à la condition, toutefois, que la disposition réglementaire relative à cette durée soit abrogée par une mesure de même nature émanant de l’autorité administrative compétente »

ii) L’abrogation des actes individuels

CE 30 juin 2006, Société Neuf Télécom, n° 289564

« Considérant que l’autorité administrative ne peut abroger une décision non réglementaire créatrice de droits, en l’absence de demande en ce sens du titulaire des droits, que dans les cas prévus par les lois et règlements en vigueur »

CE 14 mars 2008, Monsieur André A., n° 283943

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, lorsqu’il est saisi d’une demande d’un militaire sollicitant le bénéfice de la protection prévue par ces dispositions statutaires, le ministre de la défense ne peut refuser d’y faire droit qu’en opposant, s’il s’y croit fondé au vu des éléments dont il dispose à la date de la décision, le caractère de faute personnelle des faits à l’origine des poursuites au titre desquelles la protection est demandée ; que, dans le cas où, à l’inverse, il a accordé la protection, il peut mettre fin à celle-ci pour l’avenir s’il constate postérieurement, sous le contrôle du juge, l’existence d’une faute personnelle ; qu’en revanche le caractère d’acte créateur de droits de la décision accordant la protection de l’Etat fait obstacle à ce qu’il puisse légalement retirer, plus de quatre mois après sa signature, une telle décision, hormis dans l’hypothèse où celle-ci aurait été obtenue par fraude ;

b) L’obligation d’abroger

i) L’obligation d’abroger les actes réglementaires

CE Ass. 3 février 1989, Compagnie Alitalia*, p. 44

« Cons. Que l’autorité compétente, saisie d’une demande tendant à l’abrogation d’un règlement illégal, est tenue d’y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l’illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieure à cette date ».

CE, ass., 19 juill. 2019, n° 424216, Lebon. Lire en ligne : https://www.doctrine.fr/d/CE/2019/CEW:FR:CEASS:2019:424216.20190719

« 5. L’effet utile de l’annulation pour excès de pouvoir du refus d’abroger un acte réglementaire illégal réside dans l’obligation, que le juge peut prescrire d’office en vertu des dispositions de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, pour l’autorité compétente, de procéder à l’abrogation de cet acte afin que cessent les atteintes illégales que son maintien en vigueur porte à l’ordre juridique. Il s’ensuit que, dans l’hypothèse où un changement de circonstances a fait cesser l’illégalité de l’acte réglementaire litigieux à la date à laquelle il statue, le juge de l’excès de pouvoir ne saurait annuler le refus de l’abroger. A l’inverse, si, à la date à laquelle il statue, l’acte réglementaire est devenu illégal en raison d’un changement de circonstances, il appartient au juge d’annuler ce refus d’abroger pour contraindre l’autorité compétente de procéder à son abrogation.

6. Il résulte du point 5 que lorsqu’il est saisi de conclusions aux fins d’annulation du refus d’abroger un acte réglementaire, le juge de l’excès de pouvoir est conduit à apprécier la légalité de l’acte réglementaire dont l’abrogation a été demandée au regard des règles applicables à la date de sa décision.

7. S’agissant des règles relatives à la détermination de l’autorité compétente pour édicter un acte réglementaire, leur changement ne saurait avoir pour effet de rendre illégal un acte qui avait été pris par une autorité qui avait compétence pour ce faire à la date de son édiction. Un tel changement a, en revanche, pour effet de faire cesser l’illégalité dont était entaché un règlement édicté par une autorité incompétente dans le cas où ce changement a conduit, à la date à laquelle le juge statue, à investir cette autorité de la compétence pour ce faire. »

ii) L’obligation d’abroger les actes non réglementaires

CE 30 juin 2006, Société Neuf Télécom, n° 289564

« Considérant que l’autorité administrative n’est tenue d’abroger une décision administrative non réglementaire devenue illégale à la suite d’un changement de circonstances de droit ou de fait que lorsque la décision en question n’a pas créé de droits au profit de son titulaire et n’est pas devenue définitive ; »

b)     Les conditions de l’abrogation

i) Le parallélisme des formes et des compétences

ii) Le respect du principe de sécurité juridique

CE Ass. 24 mars 2006, Société KPMG*, n° 288460

3) L’annulation

CE 26 décrembre 1925, Rodière*, p. 1065

CE Ass., 11 mai 2004, Association AC ! et autres*, rec. 197

CE Sect., 19 novembre 2021, ELENA, n° 437141

D.2 Les règles nouvelles

Article L240-1

Au sens du présent titre, on entend par :

1° Abrogation d’un acte : sa disparition juridique pour l’avenir ;

2° Retrait d’un acte : sa disparition juridique pour l’avenir comme pour le passé.

Article L242-1

L’administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d’un tiers que si elle est illégale et si l’abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision.

 L’abrogation des décisions dont le maintien est soumise à une condition

Aux termes de l’article L.242-2 CRPA :

Article L242-2

Par dérogation à l’article L. 242-1, l’administration peut, sans condition de délai :

1° Abroger une décision créatrice de droits dont le maintien est subordonné à une condition qui n’est plus remplie ;

2° Retirer une décision attribuant une subvention lorsque les conditions mises à son octroi n’ont pas été respectées.

Le Conseil d’Etat a fait application du 1° de cet article en matière d’autorisation d’installation nucléaire de base. Saisi d’une demande d’abrogation, le Conseil d’Etat a examiné si EDF présentait les garanties suffisantes pour mener à bien le projet de réacteur nucléaire de « Flamanville 3 ». C’est après cet examen que le Conseil d’Etat a considéré qu’EDF présentait les garanties nécessaires et a rejeté le recours contre le refus d’abroger l’autorisation de construire et exploiter le réacteur (1). Il est intéressant de noter que la codification de l’obligation qui avait été posée en 2002 dans la décision Dame Soulier constitue une sorte d’application particulière de la jurisprudence Alitalia de 1989.

1) CE CHR., 11 avril 2019, Greenpeace France, n° 413548, publié au recueil.

Article L243-1

Un acte réglementaire ou un acte non réglementaire non créateur de droits peut, pour tout motif et sans condition de délai, être modifié ou abrogé sous réserve, le cas échéant, de l’édiction de mesures transitoires dans les conditions prévues à l’article L. 221-6.

Article L243-2

L’administration est tenue d’abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d’objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu’elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l’illégalité ait cessé.

L’administration est tenue d’abroger expressément un acte non réglementaire non créateur de droits devenu illégal ou sans objet en raison de circonstances de droit ou de fait postérieures à son édiction, sauf à ce que l’illégalité ait cessé.

Article L243-3

L’administration ne peut retirer un acte réglementaire ou un acte non réglementaire non créateur de droits que s’il est illégal et si le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant son édiction