§1. Les Chartes constitutionnelles

A./ La Restauration

Le terme « Restauration » désigne la période allant de la chute de l’Empire en 1814-1815 à 1830. Il fait référence à la restauration de la monarchie, par l’accession au trône des deux plus jeunes frères de Louis XVI, Louis XVIII (1814-1824) puis Charles X (1824-1830).

Louis Stanislas Xavier de France, futur Louis XVIII, refuse de revenir au trône dans le cadre d’une constitution élaborée par une assemblée constituante : il octroiera une « Charte » à son peuple. La Charte constitutionnelle de 1814 rompt avec les principes de souveraineté nationale ou populaire.

Sur le plan des droits et libertés, la Charte du 4 juillet 1814 s’ouvre sur une liste de droit et libertés qui ne sont pas des droits naturels mais des droits octroyés par le roi. Sont garantis le principe d’égalité devant la loi (art. 1), la liberté individuelle (art. 4), la liberté de religion (art. 5), la liberté d’opinion et d’expression (art. 8) le droit de propriété (art. 8).

Sur le plan institutionnel, la Charte de 1814 n’établit pas un régime de monarchie parlementaire. Il existe un Parlement bicaméral, composé d’une chambre nobiliaire la Chambre des pairs et la Chambre des députés des départements. Le suffrage est censitaire ; il réserve le droit de vote et, de manière plus stricte encore le droit d’être élu aux plus fortunés. Le Roi, naturellement irresponsable, dispose du pouvoir exécutif dans sa plénitude. Il dispose par ailleurs seul de l’initiative législative. C’est par la pratique qu’un véritable régime parlementaire sera instauré. La responsabilité ministérielle devant le Parlement se développera sous le règne de Louis XVIII. L’influence britannique, que de nombreux émigrés ont connu durant leur exil, se fait ici sentir. Charles X qui succède à son frère après son décès en 1824 est moins libéral. Il tentera de s’opposer à l’évolution parlementariste du régime, ce qui sera l’une des causes des troubles révolutionnaires des 28, 29 et 30 juillet 1830.

B./ La Monarchie de Juillet

Charles X chassé par les « Trois glorieuses » journées révolutionnaires de 1830, c’est le duc d’Orléans, représentant la branche cadette des Bourbons, qui accède au trône sous le titre de Louis-Philippe. C’est le début de la « Monarchie de Juillet ».

La Charte du 14 août 1830 ne modifie pas fondamentalement la structure du régime. Des adaptations sont introduites, qui permettent à la bourgeoisie aisée d’installer le régime qu’elle appelait de ses vœux. Le suffrage reste censitaire mais s’ouvre à la classe moyenne. Les fonctions exécutives du roi diminuent. La responsabilité ministérielle n’est plus discutée. Le Parlement a, concurremment à l’exécutif, l’initiative des lois.

§2. La IIème République

En France comme partout en Europe, 1848 est l’apogée du Printemps des peuples.

(1848-1849 connait un mouvement constitutionnel dont il n’existe probablement pas d’équivalent dans l’histoire. 

Voici la liste des textes constitutionnels alors adoptés : 

Royaume de Piémont-Sardaigne

8 février 1848 : Basi dello Statuto fondamentale degli Stati del Re di Sardegna

4 mars 1848 : Statuto del Regno di Sardegna (Statuto Albertino)

 Royaume des deux Siciles

11 février 1848 : Costituzione del Regno delle Due Sicilie

10 juillet 1848 : Statuto Fondamentale del Regno di Sicilia

18 février 1849 : Atto Costituzionale di Gaeta per la Sicilia 

 Grand-Duché de Toscane

15 février 1848 : Statut du Grand-Duché de Toscane (Octroyé par Léopold II)

 Duché de Parme

29 mars 1848 : Bases d’une constitution pour le Duché de Parme (Basi di una Costituzione per il Ducato di Parma)

 Autriche-Hongrie

8 avril 1848 : Constitution de Bohème

1848-1849 : Projet de Kremsier

4-7 mars 1849 : Constitution impériale

 Etats pontificaux puis République romaine

14 mars 1848 : Statuto fondamentale del governo temporale degli stati della chiesa

9 février 1849 : Assemblea costituante (Decreto fondamentale)

1849 : Costituzione della Repubblica romana

 Luxembourg

9 juillet 1848

 Suisse 

12 septembre 1848 : Constitution fédérale de la Suisse

 Pays-Bas

11 octobre 1848 : Constitution des Pays-Bas

 France

4 novembre 1848 : Constitution française

 Allemagne

28 mars 1849 : Constitution Impériale de l’église Saint-Paul de Francfort

 Danemark

5 juin 1849 : Constitution du Danemark)

 

La troisième Révolution française de février 1848 chasse Louis-Philippe du pouvoir. C’est avec son abdication la fin définitive de la royauté en France.

La Deuxième République sera dotée de la Constitution du 4 novembre 1848.

Cette République n’a laissé que peu de traces dans l’histoire constitutionnelle française, à deux exceptions très notables. En premier lieu la Deuxième République procède à l’abolition de l’esclavage par un décret du Gouvernement provisoire du 27 avril 1848. (Si l’esclavage était interdit sur le territoire métropolitain depuis le XIVème siècle, il était permis dans les colonies. L’esclavage a été aboli dans les colonies par une loi du 4 février 1794. Cette loi a été abrogée par une loi du 20 mai 1802 et l’esclavage maintenu dans la plupart des colonies par différents textes. 1848 marque donc la date de la seconde abolition de l’esclavage en France).

En second lieu la convocation de l’assemblée constituante par le décret du 5 mars 1848 marque l’adoption du suffrage universel (masculin).

Les institutions de la Deuxième République rappellent par certains traits celles des Etats-Unis d’Amérique. Un Président de la République est élu au suffrage universel direct pour quatre ans. Le législatif est exercé par une assemblée législative unique. Le Président de la République, qui nomme les ministres, ne dispose pas du droit de dissolution de l’assemblée et il n’est pas responsable devant elle.

Le Président de la République élu est le neveu de Napoléon Ier, Louis-Napoléon Bonaparte. Ce dernier, qui ne peut pas se représenter pour un deuxième mandat consécutif aux termes de la Constitution, perpètre un coup d’Etat le 2 décembre 1851 (La date du 2 décembre a une grande importance symbolique. Napoléon I est sacré empereur le 2 décembre 1804. Il remporte la bataille d’Austerlitz le 2 décembre 1805.).

 

§.3 Le Second Empire

La constitution du 14 janvier 1852 est publiée après que le peuple ait approuvé le coup d’Etat par un plébiscite les 20 et 21 décembre 1851. Ce qui frappe est le maintien du suffrage universel pour la désignation des députés du Corps législatif. Mais ce suffrage universel est très encadré ; le scrutin est uninominal et basé sur des circonscriptions électorales très étroites, ce qui facilite les pressions administratives (Francis Hamon et Michel Troper, Droit constitutionnel, LGDJ, 36ème édition, n° 363.). L’exécutif peut présenter des candidats officiels qui bénéficient du soutien du préfet. Le Président de la République et les ministres ne sont pas responsables devant le Corps législatif.

Un sénatus-consulte du 7 novembre 1852 rétablit la dignité impériale et Louis-Napoléon Bonaparte prend le titre d’Empereur des français sous le nom de Napoléon III. Le régime s’orientera progressivement vers le parlementarisme, d’abord par la pratique des institutions, une période libérale succédant en 1857 à une période autoritaire ensuite par une véritable révision constitutionnelle par le sénatus-consulte du 21 mai 1870. La constitution modifiée prévoit la responsabilité ministérielle et la transformation du Parlement en une assemblée bicamérale, dans laquelle le Sénat devient une véritable seconde chambre à côté du Corps législatif.

L’Empire s’effondre avec la défaite de l’armée française contre les troupes prussiennes à Sedan le 1er septembre 1870. La République est proclamée le 4 septembre 1870.