Le judiciaire en France n’est pas même un « pouvoir » : c’est une autorité [1]. Le terme utilisé par la Constitution illustre une méfiance séculaire qui irrigue le droit constitutionnel français depuis la Révolution française. Si le rôle du judiciaire dans le traitement des conflits entre particuliers est reconnu et organisé selon les standards les plus modernes, il est loin d’en être de même dès que le rapport à l’Etat est en jeu. La méfiance vis-à-vis du judiciaire est par exemple illustrée par la difficulté à assurer l’indépendance du ministère public (procureurs de la République).

Une précision terminologique s’impose. Il est d’usage de désigner par le terme « judiciaire » l’une des trois fonctions de l’Etat, aux côtés de l’exécutif et du législatif. Cependant, « l’autorité judiciaire » visée par le Titre VIII de la Constitution du 4 octobre 1958 n’est qu’une partie de la fonction « judiciaire ». Il existe en effet en France deux ordres de juridictions souverains et séparés : l’autorité judiciaire relevant de la Cour de cassation et l’autorité administrative relevant du Conseil d’Etat. Ces deux ordres sont dits « souverains » parce qu’ils ne dépendent d’aucune juridiction de révision. Le Conseil constitutionnel, juge d’attribution de la constitutionnalité des lois, n’est pas appelé à contrôler les jugements de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat. C’est pourquoi nous évoquons ici plus volontiers « la fonction juridictionnelle » plutôt que le judiciaire.

La séparation de l’autorité judiciaire et de l’autorité administrative remonte aux prémices de la Révolution française. Le juge a alors été envisagé comme une sorte d’ennemi de la démocratie. Nous l’avons vu supra la loi des 16-24 août 1790 dispose en son article 13 que « les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions ». Les termes utilisés disent bien ma défiance à l’égard de l’institution judiciaire. Le décret du 16 fructidor an III (2 septembre 1795) énonce en son article unique que « défenses itératives sont faites aux tribunaux de connaître des actes d’administration, de quelque espèce qu’ils soient, avec peine de droit ». Il faudra quatre-vingts ans pour que soit officiellement consacrée une juridiction administrative autonome.

Quant au contrôle sur les actes du Parlement, il n’en a jamais été question. L’idée d’une justice constitutionnelle est étrangère à la tradition française, influencée par la vision rousseauiste de la loi et par la prééminence du fait majoritaire. En 1921, le professeur Edouard Lambert publiait un célèbre ouvrage dénonçant le « government by judiciary », le « gouvernement des juges » [2]. La naissance du Conseil constitutionnel avec la Constitution du 4 octobre 1958 n’a pas été envisagée comme celle d’une véritable cour constitutionnelle mais comme l’instauration d’un organe de régulation institutionnelle.

Le judiciaire au sens strict est lui-même soumis à une grande méfiance dès lors qu’il peut échapper au contrôle de l’exécutif. D’ailleurs l’article 64 C. dispose bien que « Le Président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire » ce qui, plutôt que d’apporter des garanties d’indépendance, établit une sorte de soumission institutionnelle. Le débat autour du statut du Parquet est particulièrement illustratif de la méfiance envers l’appareil judiciaire. Le Ministère public n’est en effet pas indépendant de l’exécutif et la Cour européenne des droits de l’homme a jugé dans une décision Medvedyev que les autorités de poursuite en France ne pouvaient être considérées comme des « juges » ou un « autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires » au sens de l’article 5 § 3 de la Convention européenne des droits de l’homme[3]. Le Conseil constitutionnel a rappelé que « la Constitution consacre l’indépendance des magistrats du parquet, dont découle le libre exercice de leur action devant les juridictions, que cette indépendance doit être conciliée avec les prérogatives du Gouvernement et qu’elle n’est pas assurée par les mêmes garanties que celles applicables aux magistrats du siège » [4].

[1] Le Titre VIII de la Constitution s’intitule : « De l’autorité judiciaire ».

[2] Edouard Lambert, Le gouvernement des juges et la lutte contre la législation sociale aux Etats-Unis. L’expérience américaine du contrôle judiciaire de la constitutionnalité des lois, Paris, Girard, 1921, réédition Dalloz, 2005, 276 p.

[3] CEDH, gr ch., 29 mars 2010, Medvedyev et autres c. France, req. n° 3394/03.

[4] CC, 8 décembre 2017, décision n° 2017-680 QPC, Union syndicale des magistrats [Indépendance des magistrats du parquet], cons. 9.

§1./ La juridiction administrative

 

Loi sur l’organisation judiciaire des 16-24 août 1790

Article 13.

Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions.

 

L’existence du Conseil d’Etat se trouve à de nombreux endroits de la Constitution.

Cette institution a été créée par Napoléon par une loi de l’An VIII (1799).

Conseil du Gouvernement.

Puis progressivement, juge de l’administration.

Théorie du ministre juge / Justice retenue

Loi 24 mai 1872 : Conseil d’Etat / Tribunal des conflits (Conflits de compétence)

Justice retenue à Justice déléguée

CC 23 janvier 1987, Conseil de la concurrence

 Emet des actes administratifs à CA Paris

§2./ L’autorité judiciaire

L’ordre juridiciaire est couronné par la Cour de cassation.

Dans l’organisation judiciaire, l’on comprend les juridictions chargées de trancher les litiges en matière civile, commerciale, prud’hommale, et d’appliquer la loi pénale.

L’ensemble des juridictions intervenant dans ces domaines relèvent des Cours d’appel en appel, et de la Cour de cassation.

 A./ Existence de la juridiction judiciaire

 

Existence attestée à de nombreux endroits de la Constitution.

Le titre VIII est titré « De l’autorité juridiciaire »

Article 64 C

« Le Président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire.

Il est assisté par le Conseil supérieur de la magistrature.

Une loi organique porte statut des magistrats.

Les magistrats du siège sont inamovibles ».

 

 B./ Fonctions de l’autorité judiciaire

Article 66 C

Nul ne peut être arbitrairement détenu.

L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi.

Décision n° 2015-527 QPC du 22 décembre 2015

Cédric D. [Assignations à résidence dans le cadre de l’état d’urgence]

§3. Les juridictions spéciales

L’article 67 C. avait créé une Haute Cour de Justice qui était compétente pour juger le Président de la République et les membres du gouvernement. Cette institution, qui ne donnait pas satisfaction, a été remplacée par une Haute Cour chargée de juger le Président de la République et une Cour de justice de la République, compétente pour juger les membres du gouvernement.

A./ La Haute Cour

En vertu de l’article 67 al. 1 C. le Président de la République n’est pas responsable des actes accomplis en cette qualité. Sa responsabilité ne peut être engagée que devant la Cour pénale internationale en vertu de l’article 53-2 C. et devant la Haute Cour en vertu de l’article 68 C.

En ce qui concerne la responsabilité pénale, civile et administrative, elle ne peut être engagée pendant son mandat car il bénéficie d’un privilège de juridiction. Toutes les actions engagées et tous les délais de prescription courant à son encontre sont suspendus pendant son mandat. Tous ces délais reprennent leur cours à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la cessation de ses fonctions (art. 67 al. 3 C.).

Ce régime juridique date de la loi constitutionnelle n° 2007-238 du 23 février 2007 portant modification du titre IX de la Constitution.

Auparavant, le texte de la constitution laissait place à une plus grande marge d’interprétation.  L’article 68 alinéa 1 disposait que « Le Président de la République n’est responsable des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions qu’en cas de haute trahison. Il ne peut être mis en accusation que par les deux assemblées statuant par un vote identique au scrutin public et à la majorité absolue des membres les composant ; il est jugé par la Haute Cour de Justice ».

Rien n’était prévu concernant les actes ordinaires du chef de l’Etat et en particulier sa responsabilité pénale. L’irresponsabilité pénale du Président de la République avait été affirmée par le Conseil constitutionnel, saisi en vertu de l’article 54 C. de la question de savoir si le statut de la Cour pénale internationale était conforme à la Constitution [1]. La réponse, négative, avait rendu nécessaire une révision de la Constitution et l’insertion de l’article 53-2 [2] avant que les articles 67 et 68 C ne soient modifiés [3].

A cette occasion l’ancienne « Haute Cour de Justice » a été transformée en « Haute Cour ». La Haute Cour est composée des deux chambres du parlement (article 68 al. 1 C.).  Présidée par le Président de l’Assemblée nationale, la Haute Cour se prononce à bulletins secrets sur la destitution et sa décision est d’effet immédiat (art. 68 al. 3 C.).

L’article 68 C. est complété par la loi organique n° 2014-1392 du 24 novembre 2014 portant application de l’article 68 de la Constitution.

 B./ La Cour de justice de la République

Bibliographie sélective

Cécile Guérin-Barges, Juger les politiques ? La Cour de Justice de la République, Paris, Dalloz, coll. Droit politique, 2017.

Contrairement au Président de la République, les membres du gouvernement ne sont pas pénalement irresponsables : ils bénéficient d’un privilège de juridiction au profit de la Cour de justice de la République créée en 1993 [4]. Aux termes de l’article 68-1 al. 1 C. « Les membres du Gouvernement sont pénalement responsables des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes ou délits au moment où ils ont été commis. ». L’alinéa 2 du même article dispose qu’ils sont jugés par la Cour de justice de la République.

L’article 68 al. 2 dispose que la Cour de justice de la République comprend quinze juges : « douze parlementaires élus, en leur sein et en nombre égal, par l’Assemblée nationale et par le Sénat après chaque renouvellement général ou partiel de ces assemblées et trois magistrats du siège à la Cour de cassation, dont l’un préside la Cour de justice de la République ». Une commission des requêtes reçoit les plaintes de toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit commis par un membre du gouvernement dans l’exercice de ses fonctions. Depuis sa création, la Cour de justice de la République a rendu des jugements dans cinq affaires.

 

[1] CC, 22 janvier 1999, décision n° 98-408 DC, Traité portant statut de la Cour pénale internationale, cons. 16 et 17.

[2] Loi constitutionnelle n° 99-568 du 8 juillet 1999 insérant, au titre VI de la Constitution, un article 53-2

et relative à la Cour pénale internationale.

[3] Loi constitutionnelle n° 2007-238 du 23 février 2007 portant modification du titre IX de la Constitution.

[4] Loi constitutionnelle n° 93-952 du 27 juillet 1993.